Le Journal de Quebec

Les femmes ont sauvé le G7 du fiasco

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

À la lecture du communiqué officiel et des déclaratio­ns émanant du G7 qui s’est tenu dans Charlevoix, du 8 au 9 juin dernier, ce qui frappe, c’est la redondance à profusion dans les thèmes, les stratégies et la litanie des engagement­s, maintes fois répétés, par les Nations-unies, la Banque mondiale, le Fonds monétaire internatio­nal et les organisati­ons régionales d’afrique, d’asie et des Amériques.

Les mêmes constats, les mêmes valeurs, les mêmes objectifs et les mêmes voeux pieux s’y retrouvent. C’est à se demander si ces sommets du G7 sont réellement utiles à quelque chose qui ne peut être accompli autrement et à moindre coût.

UN TOTAL DÉSACCORD

L’agenda du sommet de Charlevoix était ambitieux, allant de la croissance économique et les emplois du futur au changement climatique, la pollution des océans et l’énergie propre, en passant par l’égalité des sexes et l’autonomisa­tion des femmes et la constructi­on d’un monde pacifique et plus sûr. Le tout sur fond de contentieu­x commercial grave avec le principal partenaire économique du G7, les États-unis.

Malgré les pressions des grands de ce monde, le président Trump n’a pas cédé d’un iota sur son isolationn­isme, confirmant toutes les menaces qu’il avait lancées sur son compte Twitter, la veille et le matin même de son arrivée au Sommet.

Force est de constater que les dirigeants du G6+1 ne sont pas parvenus à le faire renoncer à ses surtaxes sur l’acier et l’aluminium. Et dans un geste de mépris sans précédent, il leur a fait l’affront de retirer son accord du communiqué conjoint.

La question se pose désormais. Que faire de Trump qui les menace de « remettre à plat les accords commerciau­x injustes » à l’égard des États-unis ?

Parviendro­nt-ils à empêcher une guerre commercial­e suicidaire ou assisteron­s-nous à une escalade de représaill­es qui fissurera davantage le bloc des pays les plus riches ? Le désaccord est total.

Jusqu’où ira-t-il dans le démantèlem­ent du libre échange et du multilatér­alisme ? Est-il en train d’accélérer le déplacemen­t du leadership mondial vers le pôle asiatique avec à sa tête la Chine et les économies émergentes (Inde, Brésil, Afrique du Sud, etc.) ?

UNE TRAGÉDIE SILENCIEUS­E

Heureuseme­nt qu’il y a les femmes. En effet, le seul thème qui a fait l’objet d’une décision concrète, sans nécessaire­ment rallier tous les membres du G7, est celui de l’égalité des sexes et de l’autonomisa­tion des femmes.

Un enjeu vieux comme le monde qui a fait l’objet de nombreuses résolution­s, déclaratio­ns et conférence­s internatio­nales et auquel on a consacré une organisati­on mondiale entière, ONU Femmes.

C’est le seul agenda qui tient la route et la seule bonne nouvelle de ce sommet. Elle est d’ailleurs saluée par la trentaine d’organisati­ons non gouverneme­ntales qui en avaient fait la demande.

D’où l’enthousias­me du premier ministre Trudeau d’annoncer un fonds partenaria­l de 3,8 milliards $, sur trois ans, consenti par la Banque mondiale, l’union européenne, le Royaume-uni et le Canada, pour l’éducation des jeunes filles en zone de guerres et de conflits armés.

Le drame de ces réfugiées de la guerre en Afrique, en Asie et au MoyenOrien­t est l’une des tragédies les plus silencieus­es de notre siècle. Elles sont soumises aux pires atrocités et font l’objet de viols systématiq­ues, de brutalité et de torture. Pas étonnant qu’elles soient deux fois moins scolarisée­s que les garçons.

Qu’on pense, notamment, aux jeunes filles yézidies réduites à l’esclavage sexuel par les soldats de l’état islamique ou aux lycéennes du Nigeria enlevées par Boko Haram.

L’ironie du sort est que les dirigeants du G7 qui se portent, aujourd’hui, au secours de ces victimes des conflits armés sont ceux-là mêmes qui autorisent les ventes d’armes de leurs pays à ceux qui érigent le viol en arme de guerre et qui mettent sur les chemins de l’exil des millions de femmes et de filles vulnérable­s.

C’est le seul agenda qui tient la route et la seule bonne nouvelle de ce sommet

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