Le Journal de Quebec

RICHARD MARTINEAU Regarder James Bond avec fiston

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Grâce à un de ses amis qui lui a montré Les diamants sont éternels, mon fils de 10 ans est devenu accro à James Bond. Ça tombe bien. J’ai tous les films en BluRay, et je possède même la brique colossale de Taschen (600 pages), qui raconte le tournage de chacun des films.

Comme on dit, on est en business.

MONSIEUR AQUA VELVA

On s’est donc mis à regarder les films en désordre.

Un Sean Connery, un Roger Moore, un Pierce Brosnan. Et le préféré de mon fils, Daniel Craig.

C’est fou comme les vieux James Bond ont mal vieilli : le rythme est lent, les scènes d’actions, rares, et les effets spéciaux, rudimentai­res.

Mais ça ne fait rien : fiston ne décroche pas. Au contraire, ça l’amuse. « Ah ah, papa, t’as vu le décor en carton ? Et l’avion miniature qui explose ? On voit presque les fils qui le retenaient ! On dirait une émission de marionnett­es… »

Mais ce qui a le plus vieilli, c’est la façon dont on dépeint les relations hommesfemm­es.

Dans Goldfinger, la James Bond Girl s’appelle Pussy Galore. Ce qui veut dire : « Des chattes en abondance ». Ça ne s’invente pas. Et dans presque tous les vieux James Bond, l’agent secret, ne pouvant plus réprimer ses instincts, se jette sur sa « proie », la colle au plancher (ou sur une botte de foin) et l’embrasse de force jusqu’à ce qu’elle finisse par céder, hypnotisée par l’odeur envoûtante de son Aqua Velva.

« Non, non, non… Oui, oh oui ! Encore, James ! » J’en ris avec mon fils. « Tu as vu comment on montrait les relations amoureuses entre les gars et les filles avant. Qu’est-ce que t’en penses ?

— C’est stupide. Il a l’air d’un gros pervers.

— Oui, mais c’était l’époque… Aujourd’hui, plus personne ne filmerait des scènes de séduction de cette façon. Et tant mieux. »

BRÛLER LES DVD ?

Certains adeptes de la rectitude politique voudraient que l’on censure carrément les vieux James Bond sous prétexte qu’ils font l’apologie de la culture du viol.

Allez, hop, on les retire du marché ! On les brûle, comme les pompiers pyromanes brûlent les livres dans Fahrenheit 451. Vraiment ? Je préfère la discussion. La mise en contexte. Montrer que les choses ont changé… Que ce qui paraissait acceptable avant ne l’est plus.

Quand mon fils était plus jeune, on lisait les Tintin.

Quand on a lu Tintin au Congo, ça m’a permis de parler du colonialis­me avec mon fils. Du Congo belge, du racisme…

C’était le prétexte parfait pour une petite leçon d’histoire.

Quand vous visitez Rome, vous pouvez voir des bas-reliefs vantant les grandeurs du régime de Mussolini sur certains bâtiments historique­s.

Les Italiens auraient pu les effacer. Ils ne l’ont pas fait. Ça fait partie de leur histoire.

Ça leur rappelle l’importance d’être vigilants.

AFFRONTER LE PASSÉ

Effacer le passé ne sert à rien.

Ce qu’il faut, c’est l’affronter. « Ceux qui ne connaissen­t pas leur passé sont condamnés à le répéter. »

Demain, on regarde Moonraker. Avec la James Bond Girl Holly Goodhead (qu’on pourrait traduire par : Sacrée bonne pipe).

Une bonne discussion en perspectiv­e.

Faut-il censurer les vieux James Bond ?

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richard.martineau @quebecorme­dia.com

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