Quand les voitures deviennent des VUS
Les automobilistes sont-ils réellement tannés du prix de l’essence ? À voir les véhicules qu’ils achètent, pas tant que ça.
Non seulement les camionnettes pleine grandeur demeurent des meilleurs vendeurs année après année, même les véhicules de plus petit gabarit s’embourgeoisent et deviennent plus gros, plus énergivores.
En fait, les voitures sont carrément en train de se transformer en VUS.
LES VENTES DE VOITURES EN BAISSE, MAIS…
Selon l’édition 2018 du rapport État de l’énergie au Québec, publié par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie du HEC Montréal, « les ventes de camions, dominées par les camions légers […], continuent de croître, alors que les ventes de voitures diminuent. »
Par camions légers on entend notamment tous ces petits véhicules utilitaires qui font désormais le pain et le beurre des constructeurs automobiles. À titre indicatif, Toyota a vendu davantage de RAV4 que de Corolla au Canada l’an dernier. Le Ford Escape et le Honda CR-V font aussi partie du Top 10 des modèles les plus vendus au pays en 2017.
De 1990 à 2016, selon les chiffres de Statistiques Canada, les ventes de voitures traditionnelles ont chuté de 24 %, alors que celles des camions légers ont bondi de… 228 % !
« Ces camions légers neufs sont en moyenne plus chers, plus lourds et plus énergivores que les automobiles neuves », poursuit la Chaire de gestion du secteur de l’énergie du HEC dans son rapport.
Chez Hyundai, par exemple, l’elantra 2018 équipée du moteur de base à quatre cylindres de 2,0 litres et d’une transmission automatique à six rapports affiche une cote de consommation combinée ville/route de 7,4 L/100 km. Le Hyundai Tucson à deux roues motrices, pourtant équipé de la même motorisation et de la même transmission, affiche plutôt une consommation de 9,0 L/100 km. Ajoutez le rouage intégral à l’équation et vous passez soudainement à 10,2 L/100 km.
VUS, VRAIMENT ?
Avec des « VUS » encore plus petits qui commencent à se multiplier, la folie des petits camions ne semble pas sur le point de refroidir. On n’a qu’à penser au Hyundai Kona ou au Ford Ecosport, deux modèles qui viennent tout juste d’arriver chez les concessionnaires et qui rejoignent ce créneau en pleine expansion qu’on a drôlement baptisé celui des « VUS sous-compacts ».
Si le pourcentage de vente de ces véhicules utilitaires légers a augmenté aussi radicalement au cours des deux dernières décennies, c’est principalement parce que l’offre des constructeurs est beaucoup plus étoffée qu’elle ne l’était.
Souvent construits à partir de la plateforme de modèles sous-compacts, ces véhicules n’offrent pas de réel avantage, si ce n’est qu’une position de conduite un peu plus élevée et un rouage intégral sont à peu près toujours offerts en option. C’est un fort prix à payer, quand on sait que la facture à l’achat et à la pompe de ces modèles est supérieure à celle des voitures compactes traditionnelles.
Bref, il y a plus de VUS qu’auparavant, mais l’appellation VUS (pour véhicule utilitaire sport) commence à être galvaudée pas mal. Non seulement ces nouveaux modèles n’ont-ils absolument rien de sportif, mais même le côté utilitaire demeure sur son appétit.
À titre d’exemple, la Subaru Crosstrek propose un espace de chargement inférieur à celui de l’impreza à hayon. Ouvrez le coffre d’un Mazda CX-3 ou d’un Hyundai Kona et vous verrez que l’espace se fait plutôt rare. Pour le côté pratique, on repassera.
Reste que la demande des consommateurs est si forte que l’industrie automobile commence à délaisser les voitures traditionnelles pour mettre l’emphase sur ces fameux camions légers. Ford a récemment annoncé qu’elle allait cesser la vente de toutes ses voitures au Canada, à l’exception de la Mustang. Et il ne serait pas surprenant de voir d’autres constructeurs entreprendre la même stratégie au cours des prochaines années.
Mais ne pleurez pas trop vite. Les plateformes de ces modèles abandonnés seront reprises et serviront à la conception de modèles à peu près identiques, mais avec une configuration à hayon et une suspension rehaussée.
Au fond, les voitures sont encore bien en vie. L’industrie automobile a simplement trouvé le moyen de nous les vendre plus cher en nous faisant croire que ce sont des VUS.