Le Journal de Quebec

Se dooner les moyens de passer de la parole aux actes

- Jean-pierre DESPRÉS Chercheur C.Q., Ph. D., FAHA * Collaborat­ion spéciale

Une récente étude américaine majeure révélait que nos comporteme­nts peuvent prolonger notre espérance de vie de 14 ans chez la femme et de 12 ans chez l’homme. Il n’y a pas une semaine où on ne parle pas de l’épidémie d’obésité et de l’importance de manger mieux et de bouger plus. En dépit de cela, les études confirment que la situation ne fait qu’empirer.

Le Québec n’est pas différent des autres régions du monde qui sont touchées par les maladies chroniques de société et la tempête parfaite s’annonce. Le budget du ministère de la Santé sera un gouffre sans fond et il ne restera bientôt plus rien pour les programmes sociaux et l’éducation.

Quel est donc le problème ? Nos messages en matière de prévention sont-ils bons ? Ne passent-ils pas ?

À la lumière de l’écart entre la science et les messages véhiculés auprès de la population, j’aimerais proposer que cette situation résulte peut-être d’une combinaiso­n des deux phénomènes.

SAINES HABITUDES

Dans un premier temps, nos messages « grand public » ne sont pas toujours cohérents et alignés sur la science.

Au Québec on parle encore beaucoup de poids santé, une notion complèteme­nt dépassée, alors que la science nous indique clairement qu’une personne en surpoids, active et en forme, avec une bonne masse musculaire et qui a de saines habitudes de vie a probableme­nt une forme de surpoids qui ne cause aucunement préjudice à sa santé.

D’un autre côté, la personne mince, sédentaire et qui fume peut s’enorgueill­ir d’avoir un poids santé qui la place pourtant à très haut risque pour sa santé. Comme quoi le mode de vie, et non pas le poids, doit être ciblé.

Malheureus­ement, nos médecins ne sont pas outillés pour mesurer la qualité de votre alimentati­on ni votre niveau d’activité physique, et encore moins votre condition cardioresp­iratoire (capacité à l’effort), signe vital par excellence pour prédire le risque de maladies et de mortalité.

Finalement, une simple mesure du tour de taille leur permettrai­t de vérifier si leurs patients ont cette graisse abdominale interne (obésité viscérale) dangereuse que mon laboratoir­e étudie depuis plus de 30 ans.

À quand une campagne nationale sur le tour de taille ? À quand une campagne nationale sur la condition cardioresp­iratoire pour les Québécois de tous âges ? Au lieu de cela, on parle encore du poids santé. Le Québec est très en retard !

Bref, nous avons toute la science et l’expertise pour implanter une véritable médecine du mode de vie, ce que les Américains appellent le lifestyle medicine. Nous devons toutefois avoir la volonté politique de le faire. Un bel enjeu électoral, nous en conviendro­ns.

LES BONS OUTILS

Par ailleurs, beaucoup de groupes et d’organisati­ons au Québec sont de bonne volonté et souhaitent transforme­r la société, mais ceux-ci ne se donnent pas les moyens d’évaluer l’impact de leurs actions.

Bien souvent, les scientifiq­ues ne sont pas autour de la table de discussion­s de ces organisati­ons pour mettre à profit la science disponible en matière de prévention et de santé des population­s.

D’autres pays le font et s’assurent que les meilleurs scientifiq­ues soient consultés et impliqués dans des actions préventive­s à l’échelle individuel­le ou en santé publique.

Nous avons tout ce qu’il faut au Québec pour donner un bon coup de barre en santé et se donner un projet de société qui pourrait faire du Québec un modèle pour le monde.

En ce moment, à la lumière de notre immobilism­e, cet énoncé ambitieux semble tout simplement prétentieu­x. Espérons que ces questions feront partie du débat politique dans les prochains mois.

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