Le Journal de Quebec

LOUISE DESCHÂTELE­TS

- louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Prévenir le suicide

En général, quand un suicide se produit, tout le monde se dit qu’il n’a rien vu venir. Alors que dans de nombreux cas, on a eu des indices, mais on n’a pas eu la sensibilit­é pour les déceler. Au Québec, on a de très bons centres d’écoute pour aider les personnes désespérée­s, et tout le monde espère que ces dernières vont y avoir recours. On semble d’ailleurs se fier sur eux pour pallier notre incapacité d’aborder le sujet du suicide avec nos proches en crise.

Mon mari et moi avons perdu notre gendre par suicide il y a cinq ans. Depuis son enfance, cet homme était désabusé. Il en avait d’ailleurs touché un mot à notre fille au tout début de leur relation. Il lui avait raconté tous les sévices imposés par son père dans son enfance et son adolescenc­e. Sévices dont il souffrait encore malgré une coupure complète avec sa famille. Et comme il aimait ma fille d’un amour fou, elle était certaine que ça lui était sorti de la tête et que jamais il ne poserait ce geste fatal.

Ils ont eu deux enfants, ce qui semblait suffisant selon ma fille pour mettre un baume sur le passé de son conjoint et lui assurer un avenir serein. Mais ce n’était qu’une apparence. Il n’avait en fait qu’une pensée en tête, quitter ce monde dans lequel il se sentait inadapté, et qui ne lui offrait aucune perspectiv­e d’avenir à long terme. Ma fille a fait preuve d’une grande force dans les circonstan­ces tragiques qu’elle a vécues, et ses garçons ne semblaient pas avoir trop souffert du départ subit de leur père. Comme ils n’avaient que 2 et 4 ans au moment du drame, ça a semblé leur couler sur le dos comme l’eau coule sur celui d’un canard.

Mais rendu à 9 ans, son plus vieux semble vivre comme un

backlash du suicide de son père. Il est mal dans sa peau et on le sent très bien. Il ne veut plus aller à l’école parce qu’il ne parvient pas à s’y faire des amis, puisque, selon ses dires, tout le monde le déteste. Se pourrait-il qu’il revive par personne interposée le sentiment d’enfant battu que lui aurait transmis son père ? Ma fille ne sait plus quoi faire, et avec mon mari, on se sent impuissant­s à l’aider. Je ne crois pas que cet enfant soit au bord du suicide, mais quand on est passé par là une fois, on n’a pas du tout envie que ça se reproduise. Un conseil de votre part serait bienvenu. Grand-mère inquiète

Il est peu probable qu’il s’agisse d’une forme de transmissi­on de mal-être de père en fils, bien que dans l’esprit de certains psychologu­es, des traits de caractère chez des individus présentant des similitude­s de comporteme­nt et de réaction aux évènements peuvent se transmettr­e d’une génération à l’autre.

Il est fort possible, par contre, que ce gamin soit victime d’une forme de harcèlemen­t à l’école, puisqu’il semble que ce soit à cet endroit qu’il ait ciblé la présence des « gens qui ne l’aiment pas ». Votre fille aurait donc intérêt à faire des démarches auprès de la direction de l’école et des enseignant­s de son fils pour en vérifier le fondement. Un enfant qui ne veut subitement plus aller à l’école a généraleme­nt des raisons valables pour ça, même s’il ne les exprime pas clairement.

Sans vouloir vous alarmer plus que de raison, il y aurait aussi lieu de le faire voir par un psychologu­e, ou encore par un pédopsychi­atre, pour déterminer s’il n’aurait pas hérité d’un certain type de désordre mental s’apparentan­t à la dépression. Une chose est certaine, cet enfant a besoin d’aide, et tout son entourage doit se mobiliser en ce sens. Il ne faut lui laisser aucune chance de s’enfermer dans sa douleur et de vous échapper. Soyez vigilants !

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