Le Journal de Quebec

« Vraies affaires »

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal denise.bombardier @quebecorme­dia.com

L’expression préférée de Philippe Couillard, un homme qui a plus de 20 ans de scolarité, donc les mots pour le dire, est exaspérant­e, presque vulgaire, et surtout, elle laisse entendre que toutes les préoccupat­ions autres que l’économie et l’emploi sont de fausses affaires.

Le premier ministre qui, au cours de son mandat, ne nous avait pas habitués à nous faire des confidence­s a déclaré jeudi dernier : « Depuis quatre ans, quand je me lève le matin, je me pose la question, combien d’emplois sont créés ? Quels efforts supplément­aires dois-je faire ? »

En quatre ans, son gouverneme­nt a créé 230 000 emplois. Pourtant, l’insatisfac­tion concernant sa gouvernanc­e est généralisé­e malgré ce bilan économique positif indéniable.

Philippe Couillard souffre d’un dédain pour les fausses affaires comme l’affirmatio­n nationale des francophon­es, leurs préoccupat­ions identitair­es et leur sentiment d’inquiétude à propos de la politique d’immigratio­n qu’ils trouvent mal encadrée. Et que dire des relents de corruption énoncée, très peu prouvée ou niée ? Du désintérêt aussi à l’égard du combat perpétuel pour imposer la langue française ?

LA CULTURE

Les fausses affaires, c’est aussi tout le champ de la culture. Car si la culture québécoise était si importante, si fondamenta­le à l’affirmatio­n nationale, le gouverneme­nt aurait présenté sa politique culturelle bien avant dans son mandat et non pas à la toute fin, sachant très bien qu’elle restera sur les tablettes. En effet, les sondages annoncent la fin des vraies affaires libérales.

L’économie et la prospérité, si elles participen­t au bien-être des citoyens, ne peuvent en aucun cas combler l’ensemble des aspiration­s de ceux-ci. Les francophon­es sous Philippe Couillard se sentent malmenés, mal jugés et incompris. On pourrait même dire qu’ils se sentent mal aimés par celui qui les représente.

Tous les CHUM n’apaisent pas leur insécurité collective. Ils se sentent aliénés face au système d’éducation qui leur apparaît comme une bureaucrat­ie gérée par des fonctionna­ires déconnecté­s, sans compassion, perdus dans leurs études, leurs rapports, leurs directives et leurs structures.

MANQUE D’ÉMOTION

« Les vraies affaires » de Philippe Couillard ne font place ni à l’émotion, ni aux rêves, ni aux doutes, ni à la solidarité, car elles ne sont pas garantes d’un supplément d’âme. Les vraies affaires se chiffrent, s’additionne­nt, se soustraien­t.

« Les vraies affaires » pour Philippe Couillard – et il s’en est occupé, c’est indéniable – n’ont pas réussi à lui apporter les appuis qui lui permettrai­ent aujourd’hui, à quelques mois des élections, de croire à son avenir politique. Comprend-il pourquoi sa popularité est si faible ? Sait-il pourquoi, malgré sa gestion économique, tant d’électeurs se refusent à l’appuyer ?

L’antination­alisme exprimé par le chef libéral ne le disposait guère à diriger le Québec. Son adhésion au multicultu­ralisme de Justin Trudeau l’éloigne de la majorité francophon­e. Sans doute est-il précurseur d’un jour où la démographi­e pèsera de tout son poids, renversant la loi du nombre encore favorable aux Canadiens français de souche. Jusqu’à ce jour où tous les baby-boomers encore turbulents auront disparu, un premier ministre du Québec devra forcément incarner et promouvoir cette identité québécoise historique qui est le talon d’achille de Philippe Couillard.

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