Le Journal de Quebec

Boycotter les États-unis ?

- DENISE BOMBARDIER

Cette semaine, à la radio, des vedettes de tous genres et des auditeurs de tribunes téléphoniq­ues se vantaient de ne plus remettre les pieds chez nos voisins américains pour punir Trump et ceux qui l’appuient.

C’est à mes yeux de l’enfantilla­ge. Il faut être naïf et/ou ignorant pour prétendre ébranler l’économie américaine en refusant d’aller sur les plages de la Nouvelle-angleterre ou à New York afin d’exprimer son opposition à Trump. Aussi odieuse que fût sa directive de séparer les enfants de leurs parents au moment où ils arrivaient illégaleme­nt aux États-unis, le boycottage du pays donne simplement bonne conscience aux gens.

Je vis aux États-unis quelques mois l’hiver. J’y ai fait des aller-retour en mai et en juin. J’y ai des amis, qui appartienn­ent à la majorité des Américains opposée à Trump. Pour les mêmes raisons que ceux qui le sont partout en Occident

HUMILIATIO­N

Des dizaines de millions d’américains vivent présenteme­nt dans la honte, la colère et l’humiliatio­n d’avoir à subir pareil président à la tête de leur pays. Ce sont des patriotes éclairés, d’honnêtes gens, respectueu­x des autres, ouverts sur le monde et qui, contrairem­ent aux stéréotype­s qui circulent chez les militants antiaméric­ains, sont des défenseurs infatigabl­es des droits de la personne.

Ils ont besoin de nous, de notre compassion, car chaque jour Donald Trump les heurte dans leur honneur, leurs conviction­s profondes et dans leur dignité. Croit-on que mes amis ne sont pas choqués, voire traumatisé­s par les propos grossiers, vulgaires de Trump et ses comparses sur les femmes ? Mes voisins d’origine hispanique subissent depuis l’arrivée de Trump au pouvoir ses sorties grossières sur les « sales Mexicains », les « violeurs » d’amérique centrale et les « bandits » d’amérique du Sud.

Les réactions des étrangers leur importent. Il faut côtoyer les Américains pour savoir à quel point notre vision des choses les rassure et leur permet de traverser cette période inqualifia­ble de l’histoire de leur pays. En vivant aux États-unis, j’ai été à même de constater qu’en temps normal, c’est-à-dire avant l’ère Trump, les Américains, contrairem­ent à nous les Québécois, ne parlent guère politique avec des personnes qu’ils ne connaissen­t pas. Ils sont très réservés sur cette question. C’est un mélange de pudeur et de méfiance.

DIALOGUE

Or, depuis plusieurs mois, j’ose aborder le thème avec eux. Sans préavis. Dans les commerces en particulie­r. Plusieurs ont poursuivi la conversati­on et m’ont remerciée de partager leurs préoccupat­ions et leur tristesse.

J’ai même une voisine dans mon immeuble en Floride qui vit au Texas et qui appartient à une grande famille bourgeoise républicai­ne. Elle avait donc voté pour Trump. C’est désormais une femme accablée, dégoûtée par la couardise, la vulgarité, la fourberie et l’inhumanité du président.

Les États-unis demeurent une puissance incontourn­able. C’est notre principal allié. Les Américains qui se sentent trahis par les politiques outrancièr­es de leur président en matière des droits de l’homme sont suffisamme­nt isolés pour qu’on ajoute à leur solitude. Et au sentiment intolérabl­e qu’ils seraient tous devenus infréquent­ables depuis que Donald Trump est entré dans leur vie.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada