Mexique : que le party commence !
Les Mexicains s’apprêtent à élire un nouveau président. Ils renouvelleront aussi, dimanche prochain, tous les sénateurs et tous les députés. Le grand ménage, bref ! Et le balai va passer large. Pour la première fois de l’histoire, la gauche va s’installer au pouvoir.
C’est ce que prévoient les sondages, donnant au Mouvement de régénération nationale (MORENA) une avance de 14 à 26 points sur son plus proche rival. Sauf que MORENA, c’est d’abord et avant tout Andrés Manuel López Obrador, qui, à 64 ans, essaie pour une troisième fois d’accéder à présidence. À moins d’un imprévu dramatique, cette fois sera la bonne.
López Obrador – AMLO, comme un peu tout le monde l’appelle – est certainement l’homme politique le plus connu du pays, conséquence d’une carrière de militant commencée dans les années 70. Il dénonçait alors, dans son État de Tabasco, le fait que PEMEX, le géant mexicain du pétrole, ne distribuait pas suffisamment de ses profits à l’échelle locale.
Quarante ans plus tard, le ton a à peine changé : il continue de s’en prendre, dans ses discours, à ceux qui bénéficient de privilèges et aux élites. Pas étonnant que les milieux d’affaires se méfient. AMLO a toutefois tiré des leçons de sa défaite à la présidentielle de 2012 : il s’est assuré, au sein d’une coalition, du soutien du Parti du Travail et du Parti de la Rencontre sociale.
Le hic, c’est qu’il y en a un fortement marqué à gauche, voire à l’extrême gauche, tandis que l’autre grouille de conservateurs religieux. Et ce n’est pas le seul exercice d’équilibriste auquel López Obrador devra se prêter.
UN PAYS SENS DESSUS DESSOUS
AMLO – encore une fois, si tout se passe comme prévu – se retrouvera à la présidence du Mexique un peu comme Barack Obama à celle des États-unis en 2008 : avant même de pouvoir se démarquer comme premier président noir du pays, Obama a dû gérer la pire crise économique depuis la grande dépression. Tout son passage à la Maison-blanche a été marqué par cette première étape éprouvante.
Andrés Manuel López Obrador, à son tour, se fait distribuer une des pires mains imaginables. La violence des gangs et des narcotrafiquants nourrit la peur et le désespoir dans différents coins du pays. L’année dernière seulement, 25 339 meurtres ont été commis. Le gouvernement canadien rappelle constamment sur site web d’éviter « tout voyage non essentiel » dans le nord et l’ouest du Mexique, tout en faisant preuve ailleurs d’une grande prudence.
TRUMP, LE GRAND RASSEMBLEUR
La corruption est un autre fléau dont les Mexicains semblent incapables de se débarrasser. C’est d’ailleurs le souvenir que laissera le président sortant, Enrique Peña Nieto : beaucoup d’espoir embourbé dans une série de scandales, allant de sa femme à ses plus proches amis.
C’est à López Obrador enfin que reviendra la tâche de sauver l’accord de libre-échange nord-américain que Donald Trump se dit toujours prêt à faire éclater. Paradoxalement, c’est un mal pour un bien.
Face à tout ce qui les divise, le rejet de ce qu’incarne le président américain – le mépris des migrants latino-américains, l’entêtement à vouloir faire construire un mur à la frontière des deux pays, la prétention de refiler la facture aux Mexicains et ses efforts pour leur reprendre ce que L’ALENA a eu de bon pour eux – unit solidement les Mexicains.
Il y a leurs plages et ce soleil que nous aimons tant, nos relations commerciales qui continuent de se développer, mais ce qui rend le Mexique encore plus intéressant ces jours-ci, c’est ce nouveau président qui s’annonce. On voit bien qu’il a le goût de la bagarre.
Ce sera beau à voir.