Le Journal de Quebec

LA DETTE EN SANTÉ EXPLOSE

La constructi­on de trois mégahôpita­ux coûte 400 M$ chaque année aux contribuab­les

- ÉRIC YVAN LEMAY

La constructi­on récente de trois mégahôpita­ux à Montréal a fait exploser discrèteme­nt la dette de la santé et coûte chaque année plus de 400 millions $ aux contribuab­les.

Très peu connue, la dette de la santé pèse de plus en plus lourd sur le ministère du même nom. Elle a fait un bond important dans les dernières années pour atteindre plus de 13 milliards $, selon le ministère de la Santé. Seulement entre 2008 et 2018, le service de la dette (intérêts) payé par Québec est passé à lui seul de 700 M$ à 1,6 G$.

De l’argent prélevé directemen­t sur le budget annuel du ministère, qui ne va pas dans les services directs aux patients ou pour embaucher plus de personnel.

Environ 40 % de cette augmentati­on est liée à la constructi­on des mégahôpita­ux du Centre hospitalie­r de l’université de Montréal (CHUM), Centre universita­ire de santé Mcgill (CUSM) et l’agrandisse­ment du Centre hospitalie­r universita­ire Sainte-justine, pour lesquels le gouverneme­nt a emprunté pas moins de 5,5 G$.

Les intérêts sur ces emprunts, qui s’ajoutent aux sommes versées aux partenaire­s privés du CHUM et du CUSM, représente­nt plus de 420 M$ par année, soit plus que le coût total de constructi­on du Centre Vidéotron à Québec.

PRESSION SUR LES FINANCES

Le ministère indique que la hausse rapide de la dette s’explique par les investisse­ments importants faits dans le parc immobilier du réseau. Plusieurs établissem­ents sont vétustes et ont nécessité des travaux majeurs dans les dernières années.

« Le réseau a été constitué au cours des années 1960 et 1970 d’immeubles qui appartenai­ent à des communauté­s religieuse­s. Le coût d’acquisitio­n était une fraction de la valeur. Nous sommes à renouveler le parc, et les conséquenc­es sont importante­s », indique une porte-parole du ministère, Marie-claude Lacasse, par courriel.

Tout ça met de la pression sur le budget de la santé qui augmente chaque année.

« Il est indéniable que la croissance de ce poste budgétaire exerce une pression à la hausse sur les coûts d’exploitati­on du système de santé », poursuit le ministère.

EN A-T-ON POUR NOTRE ARGENT ?

Pour les spécialist­es interrogés par notre Bureau d’enquête, il ne s’agit pas nécessaire­ment d’une mauvaise dette, puisqu’elle est liée à des actifs immobilier­s.

« Ce n’est pas comme mettre un voyage à Cancún sur la carte de crédit. Ça, ce serait inquiétant. Ça ressemble plus à un paiement sur l’hypothèque d’une maison », illustre Marie-soleil Tremblay, professeur­e à l’école nationale d’administra­tion publique.

Le problème vient souvent des dépassemen­ts de coûts liés à ces mégaprojet­s.

« C’est là le gros risque. C’est très rare qu’on réussisse à respecter le budget », mentionne-t-elle.

Pour Yannick Labrie, certains projets publics sont mal gérés et mériteraie­nt qu’on regarde davantage vers des partenaria­ts avec le privé.

« Il faut sortir de la boîte », dit l’économiste et consultant en santé. Il cite en exemple les pays scandinave­s ou l’allemagne, où l’on a délégué la gestion au privé tout en maintenant l’accès aux soins de santé.

Selon lui, il faut aussi mieux évaluer les coûts de constructi­on des projets.

« Est-ce qu’on en a pour notre argent ? Il faut chercher à se comparer avec ce qui se fait de mieux dans le monde », dit-il en précisant qu’on fait des comparaiso­ns dans d’autres projets comme le prolongeme­nt du métro.

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PHOTOS AGENCE QMI JOËL LEMAY, ET D’ARCHIVES ÉRIC YVAN LEMAY ET CHANTAL POIRIER CHUM

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