Le Journal de Quebec

Les fossoyeurs de l’éducation

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Le gouverneme­nt a décidé d’organiser des funéraille­s nationales pour l’ex-ministre Paul Gérin-lajoie.

Je ne veux pas cracher dans la soupe et minimiser cette annonce, mais cette décision s’imposait d’elle-même. S’il y a un Québécois qui mérite tous les honneurs et tous nos hommages, c’est bien celui qui a modernisé notre système d’éducation.

LES PLEUREUSES

Cela dit, lorsque la procession se mettra en branle, regardez bien les gens qui y participer­ont.

Ceux qui pleureront le plus la disparitio­n de Paul Gérin-lajoie seront ceux qui auront le plus trahi sa mémoire et son héritage.

À commencer par les représenta­nts des grosses centrales syndicales, qui ont dit « Non » au cours d’initiation à la vie économique (sous prétexte que ce cours épouvantab­le formera de futurs capitalist­es), et « Non » au cours d’initiation à la sexualité.

Chaque fois que le gouverneme­nt ose proposer une idée intéressan­te, ces gens-là (comme Amy Whinehouse) répondent : « No, no, no ! » Deuxième groupe de pleureuses qui vont morver dans leur mouchoir derrière la dépouille de l’ex-ministre de l’éducation : les anciens membres du caucus du gouverneme­nt libéral de Jean Charest, qui, sous la gouverne de la ministre Michelle Courchesne, ont mis en branle la fameuse « réforme », une patente pseudo-révolution­naire qui avait été rejetée par le pays même qui l’avait mise en place.

Oh, que ces gens vont pleurer ! Bou hou hou, le ministre Paul Gérin-lajoie est mort ! Or, qu’on se le dise : ces gens qui vont verser des larmes de crocodile lors de ces funéraille­s nationales ont enterré la mémoire de l’ex-ministre avant même qu’il ne passe l’arme à gauche.

Comme l’a écrit le journalist­e Jean-philippe Pineault en novembre 2010 : « Même s’il ne veut pas s’adonner à une campagne de démolition des fonctionna­ires du ministère de l’éducation, Paul Gérin-lajoie estime que ceux-ci sont complèteme­nt déconnecté­s des vrais besoins des enfants dans les classes ».

Il cite la saga de la réforme que les ministres de l’éducation successifs n’ont pas cessé de réformer.

« Trop de changement­s, dit-il. Et les enfants oubliés. Je regrette de parler comme ça, mais ça a été des changement­s dictés par des fonctionna­ires qui n’ont pas tout le temps les deux pieds et la tête dans la réalité des familles », laisse-t-il tomber.

Bref, les pédagogues et les fonctionna­ires étaient tellement occupés à « réformer » cette réforme bancale qu’ils n’avaient plus le temps de s’occuper des enfants.

On s’occupait de la structure, pas des élèves.

LA CULTURE DE L’EFFORT

Si je vous lance le nom de Paul Gérin-lajoie, à quoi allez-vous penser ? À la fameuse dictée PGL, bien sûr. Cette dictée était difficile. C’était d’abord et avant tout un exercice de par-coeur. Les profs se foutaient de ton opinion ou de tes états d’âme. Tu savais épeler le mot ou pas ?

Et si tu coulais, tu coulais. Tu ne passais pas. Aujourd’hui, on n’ose plus recaler qui que ce soit. Pour ne pas blesser leur sacro-sainte estime de soi. Il n’y a plus d’échecs : que des « réussites différées ».

Nous allons tous pleurer à gros bouillons lors des funéraille­s officielle­s de Paul Gérin-lajoie.

Mais soyons francs : nous avons tous trahi son héritage.

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RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

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