Un chèque de 2,2 millions $ aux géants d’internet
Ils ont reçu plus de 70 % de l’enveloppe totale de publicité web des Forces armées
Accusé de laisser filer des millions de dollars en taxes et impôts des géants américains, le gouvernement Trudeau leur a fait un chèque de près de 2,2 millions $ pour des publicités de l’armée, a appris Le Journal.
« Ottawa devrait au moins arrêter de graisser la machine, ne pas acheter de la pub, ni alimenter de grosses entreprises californiennes qui ne sont pas assujetties à l’impôt », déplore le professeur d’économie à l’université de Sherbrooke François Delorme.
Pire encore, les dépenses publicitaires de ces multinationales sont déductibles d’impôt, ce qui saigne l’état de centaines de millions de dollars par année, regrette l’ancien économiste principal à L’OCDE. « C’est la cerise », ajoute-t-il.
PLUIE DE MILLIONS
En 2017-2018, la campagne de recrutement des Forces armées canadiennes en ligne a coûté 3,1 millions $ aux contribuables, dont 2,18 millions $, soit 70 % de l’enveloppe, sont allés aux Youtube, Facebook, Instagram, Snapchat, Google et Microsoft.
Joint par Le Journal, Byrne Furlong, l’attaché de presse du ministre de la Défense nationale, s’est limité à un courriel dans lequel il déclare qu’« il est nécessaire de communiquer avec les Canadiens où qu’ils soient – et cela inclut aussi les médias sociaux ».
ÉTHIQUE EN QUESTION
« J’aurais à blâmer l’armée peut-être si elle ne se pose même pas de questions et investit notre argent là-dedans sans aucune réflexion éthique », estime de son côté le directeur général de l’institut de la confiance dans les organisations (ICO) Donald Riendeau.
M. Riendeau comprend que l’armée recrute les jeunes sur le web, mais il pense qu’elle doit se poser plus de questions quand vient le temps de leur donner de l’argent.
« Pris isolément, à la limite, on pourrait dire que c’est un petit détail, mais ce n’est pas le cas », note le titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’université de Sherbrooke, Luc Godbout.
Selon lui, il est grand temps que la fiscalité s’adapte pour sortir « de l’assujettissement aux impôts et aux taxes d’un autre siècle ».
Une vision partagée par le chargé de cours à l’école des médias de L’UQAM Simon Claus. « On investit de l’argent public qui part directement à l’étranger », pense-t-il.
« On est face à des acteurs qui ne respectent pas certains de nos cadres réglementaires ni notre législation fiscale », conclut l’adjoint de recherche du Centre de recherche interuniversitaire sur la communication, l’information et la société (CRICIS).
Rappelons que le ministre des Finances Bill Morneau souhaite attendre un rapport de L’OCDE avant d’agir. Il répète vouloir travailler avec le G20 et la communauté internationale pour trouver un « traitement fiscal des sociétés numériques ».