Le Journal de Quebec

Tué par la canicule en 1988

Une mère plaide toujours pour la sécurité des travailleu­rs lors de chaleurs intenses

- NICOLAS SAILLANT

La canicule qui sévit présenteme­nt sur le Québec rappelle de bien douloureux souvenirs à Denyse Rainville, qui a perdu son fils il y a 30 ans cette année, décédé d’une insolation alors qu’il était planteur d’arbres.

Finissant en criminolog­ie et futur avocat, Eric Horth s’est rendu, en juillet 1988, dans un camp forestier dans le secteur de La Tuque afin d’amorcer sa quatrième saison comme planteur d’arbres.

Deux jours après son arrivée, le 7 juillet, alors qu’une canicule frappe le Québec, l’homme de 22 ans se sent très mal alors que le soleil est au zénith.

« C’était un bois brûlé, il faisait chaud, il était habillé jusqu’au cou, ils l’obligeaien­t à mettre un casque. Il a planté tout l’avant-midi, mais arrivé à midi, il a dit à son ami “je ne plante pu, je suis malade” », raconte sa mère, Denyse Rainville.

DE L’EAU CHAUDE

Sa mère rappelle, comme l’a rapporté l’enquête publique du coroner après la mort de son fils, qu’eric n’avait qu’un sandwich à manger et une salade de fruits. « Son eau était toute chaude. »

Malgré son mal-être et surtout l’état de confusion dans lequel il se trouvait, le contremaît­re de l’entreprise Produits forestiers Canadien Pacifique (C.I.P) a refusé son congé. « Eric est resté là, assis dans le bois brûlé, au gros soleil. »

Selon les témoins, la victime divaguait et « était comme saoule ». « Il s’est levé pour marcher jusqu’au camp, il est tombé plusieurs fois, puis il est tombé pour la dernière fois », ajoute sa mère, aujourd’hui âgée de 89 ans. « C’est choquant, pauvre Eric », blâme-t-elle.

Ainsi, les canicules de juillet comme l’on connaît présenteme­nt rappellent « toujours » à Mme Rainville la mort de son fils.

« Moi, je dis aux jeunes qui travaillen­t : si vous avez chaud ou mal au coeur, allez à l’ombre, allez dans l’eau, sortez du soleil », lance la dame, qui a fait beaucoup de pressions pour que les choses changent afin que les employeurs et employés soient conscienti­sés aux coups de chaleur lors de canicules.

ENTREPRISE­S NÉGLIGENTE­S

L’avocat de la famille, qui a défendu Eric Horth lors de l’enquête publique, abonde dans le même sens.

« Laissez-vous pas faire, posez des questions avant d’être embauché par des compagnies, assurez-vous qu’il y ait toujours des services de sécurité sur place. C’est une erreur de compter sur les employeurs pour assurer ta protection », dit Marc Bellemare.

« Il y a un règlement de santé et sécurité dans l’annexe 5. Je pense que ces règlements sont indicatifs, mais que ce n’est pas respecté sur le terrain, en pratique », termine-t-il.

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PHOTO SIMON CLARK Chaque été, en moyenne 18 travailleu­rs sont victimes de la chaleur au Québec. Eric Horth était le huitième de la famille. Il travaillai­t dans la forêt depuis quatre ans pour payer ses études.

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