Le Journal de Quebec

L’homme en désarroi

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier @quebecorme­dia.com

En 2002, j’ai fait un documentai­re pour la télévision de Radio-canada dont le titre portait celui de cette chronique. Cette semaine, j’ai entendu à la radio le comédien Raymond Cloutier, qui parlait de la pièce Oleanna de David Mamet, qu’il présente cet été au théâtre, à Sutton.

« J’ai demandé l’avis de mes amies féministes afin qu’elles me dédouanent », a-t-il expliqué en riant. Mais l’on sentait bien que l’homme de théâtre avait besoin de la caution de féministes pour présenter cette pièce sur l’affronteme­nt entre une jeune étudiante et son professeur. Une pièce forte, psychologi­quement violente, qui aborde les relations hommes femmes d’aujourd’hui.

La masculinit­é est remise en question depuis que le mouvement féministe des années soixante a trouvé sa vitesse de croisière et fait des gains considérab­les contre le machisme.

PROTOTYPE OU EXCEPTION ?

Dans la foulée des dénonciati­ons à caractère sexuel, les hommes se tiennent cois, désemparés. Harvey Weinstein, celui par qui le scandale est devenu tsunami, est-il un prototype masculin ou incarne-t-il une minorité déviante, obscène, saoulée de pouvoir ? Est-il l’homme viril ou sa réduction impuissant­e ? Poser la question, c’est y répondre.

Pourquoi tant de jeunes femmes estiment-elles que les hommes ne sont pas à la hauteur de leurs attentes ? Par contre, nombre d’adolescent­es supposées féministes préfèrent les petits voyous aux garçons gentils, polis, sensibles.

Pourquoi tant de superwomen parlent-elles des hommes avec une forme de mépris ? Ou les décrivent-elles avec un paternalis­me qu’elles dénoncerai­ent si c’était elles qui le subissaien­t ?

La déconstruc­tion des genres masculin et féminin est-elle une façon pour une infime minorité d’hommes qui se redéfiniss­ent femmes de reconnaîtr­e qu’elles sont plus puissantes qu’eux ? L’homme qui se dit femme n’a certaineme­nt pas beaucoup de considérat­ion pour sa mâlitude.

MENACE MASCULINE ?

Le désir masculin n’est plus présenté d’abord comme un hommage à la femme, mais comme une quasi-menace à son intégrité. Pour parler clairement, il y a de plus en plus de jeunes femmes qui semblent incapables de distinguer les gestes érotico-sentimenta­ux d’hommes qui ne sont ni des brutes ni des violeurs potentiels.

La séduction amoureuse, ce délice troublant du coeur et du corps, peut-elle survivre à la codificati­on actuelle des lois en matière d’approche sexuelle ?

Lorsque tout doit être nommé, confirmé, répété, reconfirmé dans l’évolution des caresses afin de s’assurer du consenteme­nt jusqu’à la consommati­on, c’est peu dire que les actes sexuels relèvent de la psychologi­e légale, qui a pris le pas sur les voies indicibles du désir. On ne fait pas l’amour, on parcourt des articles du Code criminel.

L’homme en désarroi, hélas, peut choisir de s’éloigner de son humanité en se transforma­nt en angry young man dont on connaît aussi les choix politiques intolérant­s et haineux à l’égard des femmes.

L’homme en désarroi qui doit s’excuser d’être un homme, qui sent toujours le besoin de se désolidari­ser de cette image stéréotypé­e de l’homme patriarcal, qui demande la permission aux féministes pour agir est un homme victimisé. Est-ce là le souhait de la majorité des femmes ?

Les hommes sont-ils à la hauteur des attentes féminines ?

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