Agents correctionnels inquiets
Ils craignent de « perdre le contrôle » si une loi qui limite l’isolement préventif est adoptée par Ottawa
Les agents correctionnels craignent l’adoption d’une loi sur l’encadrement de l’isolement préventif, estimant qu’elle pourrait nuire à l’ordre entre les murs des prisons, en plus de possiblement pousser des détenus à s’en prendre à eux.
Déposé à la Chambre des communes au cours des derniers mois, le projet de loi C-56 imposerait un nombre maximum annuel de 21 journées passées en détention préventive, communément appelée « le trou » en jargon carcéral. Ce nombre passerait ensuite à 15, un an et demi après l’entrée en vigueur de la loi.
Les agents correctionnels déplorent le fait qu’ils seront ainsi privés d’un « outil de travail nécessaire ». Ils craignent également que leur sécurité soit compromise si le projet de loi est adopté, soulignant que le nombre moyen de jours passés en isolement préventif dans les pénitenciers canadiens est actuellement de 24,5. Selon des données obtenues par Le Journal en vertu de la loi sur l’accès à l’information, certaines prisons fédérales affichent encore de plus hautes moyennes ( voir encadré).
DES CRAINTES
« Parfois, si, par exemple, ils sont menacés par un autre détenu, ils s’arrangent pour aller au trou en faisant des méfaits déguisés. Une fois leur maximum atteint, ils vont s’arranger quand même pour sortir de la rangée, mais ils vont faire quoi ? S’en prendre physiquement à nous ? » redoute un agent correctionnel interrogé par Le Journal, qui désire conserver l’anonymat.
Le président du syndicat des agents correctionnels du Québec, Frédérick Lebeau, partage cette appréhension. « C’est comme si en société on avait une police, mais qu’on ne mettait plus les gens en prison après une vingt et unième offense », illustre-t-il.
« LE TROU N’EST PAS UN CACHOT »
Pour expliquer sa refonte du système correctionnel, le ministère de la Sécurité publique affirme qu’il doit « corriger les perspectives et orientations erronées de l’ère Harper. […] Notre objectif, c’est d’avoir des pratiques correctionnelles de haut niveau qui se conforment à la Charte canadienne des droits et libertés ».
Une affirmation qui fait réagir le sénateur conservateur Pierre-hugues Boisvenu. « Les gens ont souvent tendance à croire que l’isolement préventif est un cachot, mais ce n’est pas le cas. Les criminels ont un téléviseur dans leur cellule, branché avec le câble. Quand j’ai vu des gens qui allaient en isolement, ils détachaient la télévision, se la mettaient sous le bras et y allaient », illustre-t-il.
Au cas où un détenu serait maintenu en isolement au-delà du vingt et unième jour, le projet de loi prévoit également la nomination par le ministre de la Sécurité publique d’un « examinateur externe indépendant », qui évaluera le dossier. Actuellement, c’est l’administration du pénitencier qui peut déterminer si le prolongement de l’isolement préventif est maintenu ou non.