Le Journal de Quebec

L’humain meilleur que la machine pour goûter l’alcool

- GENEVIÈVE QUESSY

ISABELLE ROCHETTE 45 ANS DISTILLERI­E ANNÉES D’EXPÉRIENCE : 3 ANS

Les distilleri­es artisanale­s se multiplien­t au Québec, ce qui fait renaître le métier de goûteur d’alcool, qui n’existe plus dans les distilleri­es industriel­les qui font confiance aux machines.

Isabelle Rochette, distillatr­ice de production chez Cirka à Montréal, doit goûter la vodka à des étapes bien précises, afin d’éviter d’embouteill­er les mauvais alcools produits en début et en fin de processus.

« Au début, c’est de l’acétone qui est produite, un alcool toxique qui donne mal à la tête. Je dois donc goûter aux deux minutes environ pour détecter quand survient le bon alcool, l’éthanol, et commencer à le recueillir », explique Mme Rochette.

MOINS EFFICACE

Dans les distilleri­es industriel­les, ce processus est confié à une machine, ce qui laisse passer une certaine quantité de mauvais alcool. C’est pour s’assurer d’une qualité de produit irréprocha­ble que les distilleri­es artisanale­s recommence­nt à confier ces tâches aux humains.

« Rendu à la fin de la distillati­on, c’est encore plus délicat et je dois parfois goûter aux 30 secondes, car un litre d’alcool de queue suffit à ruiner une production de vodka », dit Isabelle Rochette.

Puisqu’elle ne goûte qu’avec le bout de son doigt, la distillatr­ice ne craint ni l’ivresse ni les maladies de foie.

« C’est un métier multisenso­riel. J’observe aussi la texture et la sensation de chaleur de l’alcool », dit-elle. Une appréciati­on que l’humain fait mieux que la machine, selon elle.

POPULAIRE

Isabelle Rochette doit aussi goûter le gin pendant sa distillati­on afin de s’assurer de retirer les aromates utilisés pour le parfumer, baies de genièvre et autres épices, avant qu’ils ne libèrent leur amertume.

« C’est en distillant qu’on devient distillate­ur », dit Mme Rochette, qui a appris les bases de son métier de goûteuse en étudiant la sommelleri­e et sous la tutelle de Paul Cirka, maître-distillate­ur.

Avec l’industrie qui se met en place, les occasions de formation se multiplien­t pour ceux qui veulent apprendre le métier.

« Vers 1840, le Canada comptait plus de 200 distilleri­es, mais avec la fin de la prohibitio­n américaine, elles ont progressiv­ement disparu », dit Annick Van Campenhout, de l’associatio­n des Microdisti­lleries du Québec.

Selon elle, l’industrie s’est mise à renaître au courant des années 2000, avec une fulgurante expansion dans les six derniers mois.

« Il y avait 15 distilleri­es à la fin décembre. On en compte 35 aujourd’hui, et plusieurs autres en attente de permis », affirme Mme Van Campenhout.

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, GENEVIÈVE QUESSY Isabelle Rochette, devant l’alambic de la distilleri­e Cirka, dans lequel est distillée la vodka.

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