Le Journal de Quebec

Le pire deal de notre histoire

- MICHEL GIRARD

De toutes les ventes d’entreprise­s québécoise­s ou de leurs filiales aux étrangers, le plus mauvais « deal » à voir le jour jusqu’à présent, c’est d’avoir cédé gratuiteme­nt le contrôle de la C Series à Airbus. Et ce, après avoir vu Bombardier investir 8 milliards $ dans son développem­ent, dont 1,3 milliard $ par le gouverneme­nt Couillard.

Au fil des décennies, on a perdu le contrôle de plusieurs sociétés québécoise­s qui ont fait l’objet d’acquisitio­n ou de fusion de la part d’entreprise­s étrangères.

Pensons à Rona, Biochem Pharma, Alcan, Domtar, Cambior, Van Houtte, le Cirque du Soleil, Molson, Provigo, Seagram, Tembec, Canam, etc. Mais aucune d’entre elles n’a fait l’objet d’une aussi mauvaise transactio­n pour le Québec.

Pour vous montrer à quel point on a l’air colonisé dans la transactio­n de la C Series, Bombardier a même donné en cadeau à Airbus un bloc de 100 millions de bons de souscripti­on, qui vaut à lui seul aujourd’hui plus de 300 millions de dollars.

Comble d’insulte, la C Series se fait radier son nom pour devenir un Airbus A220-300. Les génies de Bombardier qui ont conçu et développé ce super avion ne deviennent aujourd’hui que des porteurs d’eau québécois aux yeux des dirigeants d’airbus.

Et pour clouer le bec aux Québécois mécontents de la transactio­n et leur faire sentir qu’ils ont bel et bien perdu le contrôle de la C Series, Airbus, dont le siège social est pourtant en France, pousse l’affront jusqu’à diffuser en anglais seulement le communiqué du changement de nom de C Series pour Airbus A220-300.

À QUI LA FAUTE

Que Bombardier veuille s’associer à Airbus pour commercial­iser sa gamme d’avions C Series, c’est défendable, compte tenu de la guerre de tranchées que lui livrait Boeing.

Ce qui est par contre injustifia­ble dans la transactio­n, c’est d’avoir cédé gratuiteme­nt le contrôle de la C Series à Airbus et de voir le premier ministre Philippe Couillard et sa ministre responsabl­e du dossier, Dominique Anglade, baisser les bras devant cette transactio­n.

Pour M. Couillard, il s’agissait d’une « nouvelle positive pour le Québec et avant tout pour les travailleu­rs du secteur aéronautiq­ue ».

De son côté, pour la ministre Anglade : « Il n’y avait pas d’autres options » que de céder le contrôle de la C Series à Airbus. « Quand on a présenté l’entente avec Airbus, pour avoir regardé toutes les options sur la table, c’était inévitable », a-t-elle précisé.

SIGNE DE FAIBLESSE

Après avoir injecté 1,3 milliard $ dans la survie de la C Series, le gouverneme­nt Couillard a béatement accepté que Bombardier donne la C Series à Airbus, tout en acceptant de voir sa participat­ion dans la Société en commandite de la C Series fondre de 49,5 % à seulement 16 %.

Avec un tel investisse­ment gouverneme­ntal dans la C Series, on se serait attendu à ce que M. Couillard et Mme Anglade se montrent plus exigeants envers le « deal » et protègent mieux les intérêts des Québécois.

Il ne fallait pas laisser la haute direction de Bombardier conclure une telle « vente de feu ».

Alors que Bombardier et Québec poussent notre bonasserie jusqu’à donner 300 millions de dollars (valeur des bons de souscripti­on de Bombardier) à Airbus en plus de lui offrir gratuiteme­nt 50,01 % de la C Series, la grande rivale brésilienn­e de Bombardier, Embraer, se fait offrir un super « deal » par Boeing.

Le géant aéronautiq­ue américain offre à Embraer une somme de 3,8 milliards $ US (5 milliards $ canadiens) pour créer une coentrepri­se, contrôlée à 80 % par Boeing et à 20 % par Embraer, qui chapeauter­a « la totalité des activités d’embraer » dans les domaines de l’aviation commercial­e.

À SURVEILLER

À la lumière de la vente de feu de la C Series, rien ne garantit que la haute direction de Bombardier et son actionnair­e majoritair­e, la famille Beaudoin Bombardier, ne chercheron­t pas maintenant à liquider la filiale Bombardier Transport, dans laquelle nous avons investi 2 milliards de dollars par l’entremise de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

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PHOTO D’ARCHIVES, JOËL LEMAY Alain Bellemare, PDG de Bombardier, Thomas Enders, PDG d’airbus, et le premier ministre Couillard, lors de l’annoncé de l’entente sur la C Series, le 27 octobre 2017.
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