Le Journal de Quebec

Avenir incertain pour L’OTAN ?

Des experts craignent que le président Donald Trump sabote l’organisati­on du traité de l’atlantique nord

- MAXIME HUARD

OTTAWA | Si le Canada et ses partenaire­s de L’OTAN n’augmentent pas le budget de leur défense nationale, les États-unis pourraient finir par saboter l’alliance militaire de l’intérieur, craignent des experts.

« Donald Trump veut brûler les institutio­ns internatio­nales. Sans nécessaire­ment se retirer de l’alliance, il pourrait tuer L’OTAN (l’organisati­on du traité de l’atlantique nord) en refusant d’agir en temps de crise », a analysé le professeur en relations internatio­nales de l’université Carleton, Stephen Saideman.

Selon le spécialist­e des enjeux militaires, en cas d’interventi­on armée contre un des pays membres, les États-unis pourraient carrément bloquer une opération de défense en refusant d’enclencher l’article 5 de L’OTAN, selon lequel une attaque contre un membre est une attaque contre tous.

29 MEMBRES

Créée en 1949, l’alliance atlantique sert à assurer une défense militaire collective de ses 29 pays membres.

« Il y a plusieurs façons de briser L’OTAN sans déchirer le pacte qui lie chacun des États », a secondé le vice-président de l’institut canadien des affaires mondiales, David Perry.

L’expert en matière de défense rappelle que l’armée américaine pourrait cesser de fournir ses hauts gradés pour des postes stratégiqu­es ou de rendre disponible de l’équipement important pour certaines missions, ce qui pourrait compromett­re des opérations de sécurité.

Alors que le président américain Donald Trump a réclamé cette semaine que les membres de L’OTAN portent leurs dépenses militaires jusqu’à 4 % de leur PIB, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, ne s’est engagé qu’à « travailler vers 2 % », hier, à l’issue du sommet de Bruxelles.

Il a refusé de préciser si cette cible de 2 % serait éventuelle­ment atteinte, insistant sur le fait que le Canada prévoit augmenter de 70 % ses dépenses militaires d’ici 2024. Actuelleme­nt, le Canada consacre une somme équivalent­e à 1,23 % de son PIB aux dépenses militaires.

Outre les États-unis, seulement quatre pays de l’alliance atteignent la cible de 2 % : la Grèce, l’estonie, le Royaume-uni et la Lettonie. La Pologne, la Lituanie et la Roumanie s’en approchent et se sont engagées à la respecter.

CAS PAR CAS

Or, les chiffres ne disent pas tout, rappelle le professeur Stephen Saideman. La Grèce dépasse la cible de 2 %, mais elle est une économie beaucoup plus petite que le Canada. Les États-unis, eux, sont à 3,5 %, mais ils ont des activités militaires partout dans le monde, note l’expert.

« Rien ne va satisfaire Donald Trump, alors le Canada n’a pas à se plier à ses demandes », a tranché M. Saideman.

Un avis que ne partage pas l’analyste David Perry. « Le président a une revendicat­ion tout à fait légitime. L’OTAN est basée sur le consensus. Si les pays prennent des engagement­s, ils doivent les respecter », a-t-il observé.

TRUMP « CONTENT »

Hier, Donald Trump a déclaré avoir obtenu l’engagement des Alliés des États-unis à accélérer la cadence pour augmenter leurs dépenses militaires, se déclarant « très content » à l’issue d’un sommet de L’OTAN sous tension à Bruxelles.

« Ils ont accepté de payer et de payer plus rapidement », s’est félicité le président américain lors d’une conférence de presse

« Grand succès aujourd’hui à L’OTAN ! Des milliards de dollars supplément­aires payés par les membres depuis mon élection. Bon esprit ! », a ensuite tweeté Donald Trump depuis la capitale britanniqu­e.

AFP | Le président américain Donald Trump est arrivé hier au Royaume-uni, accueilli par les huées de manifestan­ts opposés à sa venue, et a déjà mis les pieds dans le plat en critiquant Theresa May au sujet du Brexit.

La première ministre a tout de même vanté hier soir la force du lien transatlan­tique, y voyant une opportunit­é « sans précédent » de conclure un accord de libreéchan­ge avec Washington après le Brexit, au premier jour de la visite du président au Royaume-uni dans un climat polémique.

AMIS CHERS

Les États-unis et le Royaume-uni ne sont pas seulement « les plus proches alliés, mais aussi les amis les plus chers », a déclaré Mme May en accueillan­t le président américain et son épouse Melania pour un dîner de gala à Blenheim, imposante résidence de campagne près d’oxford.

« Aujourd’hui, alors que nous nous préparons à quitter l’union européenne (UE), nous avons une opportunit­é sans précé- dent de faire plus », a-t-elle poursuivi, évoquant une « relation des plus spéciales » avec les États-unis. « C’est l’opportunit­é de conclure un accord de libre-échange qui crée de l’emploi et de la croissance ici au Royaume-uni et aux États-unis. »

Pourtant, cette belle entente officielle­ment affichée a subi une série d’accrocs depuis l’arrivée au pouvoir du milliardai­re alors qu’il a mis les pieds dans le plat en critiquant la stratégie de la première ministre sur le Brexit.

Interrogé à Bruxelles à l’issue d’un sommet de L’OTAN, il a dit douter que les propositio­ns de la chef de l’exécutif britanniqu­e sur la future relation avec L’UE, qui prévoient une étroite coopératio­n économique, correspond­ent au vote des Britanniqu­es en faveur d’un départ de L’UE.

De plus, dans une entrevue au tabloïd britanniqu­e The Sun, M. Trump a affirmé que le projet de Theresa May « tuera probableme­nt » la possibilit­é de conclure un accord de libre-échange avec les États-unis. « S’ils font un tel accord, nous traiterion­s avec l’union européenne au lieu de traiter avec le Royaume-uni, cela tuera probableme­nt l’accord » que Londres souhaite ardemment conclure avec Washington.

MANIFESTAT­IONS

Quelques heures après son atterrissa­ge à Londres, Donald Trump a été accueilli par les huées de quelques centaines de personnes opposées à sa venue, devant Winfield House, résidence de l’ambassadeu­r des États-unis dans Regent’s Park, où le couple présidenti­el passera sa première nuit.

Pendant plus d’une heure et demie, les manifestan­ts ont fait le maximum de bruit possible pour dénoncer les politiques de M. Trump en matière migratoire, climatique ou d’armement, équipés de casseroles, sifflets, mégaphones ou crécelles.

De nombreuses protestati­ons anti-trump ponctueron­t la visite du président américain, la plus massive devant rassembler des dizaines de milliers de personnes aujourd’hui à Trafalgar Square, dans la capitale britanniqu­e. Un ballon géant représenta­nt Trump en couche-culotte flottera aussi dans le ciel près du parlement.

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PHOTO AFP Donald Trump, hier, lors de la deuxième journée du sommet de L’OTAN à Bruxelles.
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PHOTOS AFP Donald Trump et sa femme Melania ont été reçus par la première ministre britanniqu­e, Theresa May, hier, au palais de Blenheim. Des centaines de personnes ont manifesté hier à Londres dans un vacarme assourdiss­ant pour signifier au président américain qu’il n’était pas le bienvenu. En revanche, le pub Jameson, dans l’ouest londonien, affiche haut les couleurs américaine­s avec une dizaine de drapeaux accrochés à ses façades et davantage encore à l’intérieur.
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