Un autre fleuron du Québec inc. passe sous propriété étrangère
Le géant du pneu Michelin met le grappin sur l’entreprise Camso de Magog pour 1, 9 milliard $
Le Québec perd le contrôle d’un autre de ses fleurons industriels avec la vente à Michelin du fabricant de chenilles et de pneus Camso, dont les racines remontent à Bombardier. La Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité FTQ empocheront plus d’un milliard de dollars dans l’opération.
La multinationale française versera 1,9 G$ pour mettre la main sur l’entreprise de Magog, dans les Cantons-de-l’est. La Caisse, qui possède 36 % de l’entreprise, touchera donc 688 M$, tandis que le Fonds FTQ, qui en détient 24 %, recevra 458 M$.
Pour le Fonds, qui avait investi 51 M$ dans Camso en 2005, le rendement dépasse les 800 %. Quant à la Caisse, actionnaire depuis 2000, elle évaluait son placement dans l’entreprise à un montant entre 150 et 300 M$ à la fin de 2016, de sorte que son rendement pourrait atteindre 359 %.
« C’est l’option qui semblait la plus intéressante pour permettre à l’entreprise de poursuivre sa croissance et pour lui donner accès à une plateforme mondiale », a justifié Yann Langlais-plante, porte-parole de la Caisse.
IL PART AVEC DES MILLIONS
Le président du conseil d’administration de Camso, Pierre Marcouiller, encaissera 191 M$ grâce à sa participation de 10 %. L’homme d’affaires quittera l’entreprise une fois la transaction conclue, après y avoir passé 18 ans. C’est l’allemand Thomas Böttcher qui en est le PDG depuis l’an dernier.
Pour M. Marcouiller, le contrôle québécois de l’entreprise importait moins que son développement à long terme.
« La propriété, pour moi, ce n’est pas l’essence, a-t-il soutenu. L’essence, c’est de développer des emplois, des connaissances et de nous développer comme peuple. On a réalisé plus que ce qu’on pensait possible de réaliser et là on s’en va vers un autre rêve. Je suis extrêmement fier de laisser l’entreprise dans des conditions comme ça. »
DIFFICILE
Avec Camso, Michelin deviendra le leader mondial sur les marchés « hors route ».
Les géants japonais (Yokohama) et suédois (Trelleborg) ayant mis la main sur deux concurrents de Camso ces dernières années, il était devenu plus difficile de trouver des cibles d’acquisition, a expliqué Pierre Marcouiller.
« Si on avait voulu le faire soi-même (devenir numéro un mondial), ç’aurait été 10 ou 15 ans de plus d’effort et est-ce qu’on aurait réussi ? Je ne le sais pas », a-t-il fait valoir.
Il faut dire que Camso est déjà en position de tête dans les secteurs des pneus pleins pour chariots élévateurs, ainsi que dans les systèmes de chenilles pour l’agriculture, les motoneiges et les véhicules tout terrain.
Michelin entend dégager des synergies de 72 M$ avec l’intégration de Camso, mais assure qu’il n’est pas question de couper dans les quelque 300 salariés que l’entreprise compte au Québec.
Comme Michelin entend transférer au Québec la direction de sa division des produits hors route, le géant a promis « la création de nouveaux emplois de qualité dans la région de Magog », sans toutefois donner plus de détails.
« Comme le monde est compliqué et dangereux, personne n’est sûr d’une pérennité dans les années qui viennent. Il vaut mieux être ensemble et forts », a plaidé le PDG de Michelin, Jean-dominique Senard, en insistant sur les liens culturels entre la France et le Québec.
« N’ayez pas peur », a-t-il conclu.