Le Journal de Quebec

Le rêve d’une nation, l’échec d’une génération

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r c mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com L @mbockcote

On le sait, lors des prochaines élections, la question nationale se distinguer­a par son absence. Les Québécois se feront accroire qu’ils sont une société normale, disposant de tous les pouvoirs nécessaire­s à la définition de son avenir collectif. Heureuse fiction !

Dans la réalité, ils sont encadrés par une Constituti­on contraigna­nte et les décisions financière­s du gouverneme­nt fédéral. Qu’il s’agisse de la laïcité, du français ou d’environnem­ent, c’est le cadre fédéral qui délimite nos marges de manoeuvre. C’est ennuyant, mais c’est ainsi.

OTTAWA

Cette disparitio­n de la question nationale n’a rien d’un détail. C’est comme si les Québécois devenaient indifféren­ts à leur destin comme peuple. Un peu d’histoire nous éclairera. Le rêve d’un pays nous appartenan­t et où nous pourrions cesser d’être une minorité sous tutelle étrangère hante notre histoire depuis 250 ans. On connaît l’épisode héroïque des patriotes en 1837-38. Après leur défaite, le rêve de l’indépendan­ce s’est réfugié au fond de notre culture politique, le temps de se refaire des forces. Il se rappelait à la conscience collective de temps en temps en remontant à la surface politique. Chaque génération en a entendu parler avant de se convaincre qu’il n’était pas possible de l’accomplir à court terme et d’en confier la réalisatio­n à la suivante.

C’est avec la fenêtre ouverte par la Révolution tranquille des années 1960 jusqu’au milieu des années 1990 que l’indépendan­ce aurait dû se concrétise­r. Le vieux rêve est alors devenu une jeune idée et un projet mobilisant les meilleurs éléments de la nation. Mais la génération qui avait la mission historique de porter à son terme ce projet de libération a échoué. Le Québec s’est divisé en querelles internes contre-productive­s. Indépendan­ce ou société distincte ? Nous en avons parlé pendant 50 ans, et cela n’a rien donné sinon la victoire d’un Pierre Elliott Trudeau qui s’était retourné contre son peuple et dont le fils est le fidèle héritier.

Où en sommes-nous ? Il faut l’avouer : la défaite nous a fait du mal. Pendant 50 ans, parler de politique, cela a consisté à parler de la question nationale. Aujourd’hui, cette dernière exaspère terribleme­nt.

Mais cette censure mentale est grave : elle nous empêche de constater notre régression démographi­que dans un Canada qui nous traite comme une minorité ethnique insignifia­nte. Au Québec, se couper de la question nationale, c’est fuir la réalité. Un peuple comme le nôtre ne pourra vraiment s’épanouir que s’il est pleinement maître de son destin.

URGENCE

Le rêve de l’indépendan­ce risque de se faire oublier pour quelques années. Tel est le prix de la défaite. Mais comment le faire renaître ?

Car le temps nous manquera bientôt. Viendra un jour où les Québécois francophon­es ne seront plus assez nombreux pour décider de leur destin. Ils seront alors en voie de minorisati­on chez eux. Et nous nous effacerons tranquille­ment comme peuple, anesthésié­s par la prospérité nord-américaine.

L’indépendan­ce est urgente, mais les Québécois sont impuissant­s à la réaliser. Telle est notre situation historique. Elle est bien plus tragique qu’on ne le croit.

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