Le Journal de Quebec

Grossophob­ie ?

On apprenait récemment dans les pages du Journal que la comédienne Debbie Lynch-white, dont personne ne contestera l’incroyable talent, avait partagé sur sa page Facebook une pétition en appelant à la censure d’une série, Insatiable, qui sera prochainem­en

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Cette série met en scène une jeune femme autrefois grosse, devenue mince après un accident, qui devient alors très populaire et tire avantage de sa nouvelle situation pour se venger.

CENSURE

La grossophie n’existe pas.

Debbie Lynch-white accuse cette série de grossophob­ie.

Encore une histoire de censure, dira-t-on. Effectivem­ent. Dès qu’une oeuvre écorche notre sensibilit­é, le premier réflexe pousse aujourd’hui à vouloir l’interdire. Il y a une forme d’ivresse de l’indignatio­n. Elle nous monte tellement à la tête qu’elle embrouille l’esprit.

Dans une société libérale, on devrait accepter que des discours et des oeuvres qui nous déplaisent circulent librement. La vraie diversité, celle qu’il faut défendre, est là.

Par ailleurs, certains sursautero­nt peut-être en rencontran­t le terme « grossophob­ie ». Encore une phobie, se diront-ils. Elle s’ajoute à la xénophobie, l’homophobie, la transphobi­e, l’islamophob­ie, l’europhobie, la russophobi­e. Il en manquait une : la grossophob­ie, que le discours officiel présente comme une dispositio­n culturelle désavantag­eant les gros et les obèses à partir d’un modèle faisant de la minceur une norme de santé, et plus largement, de beauté.

D’ailleurs, depuis un temps, la mairie de Paris fait de la lutte contre la grossophob­ie une priorité.

Ces mots en phobie deviennent étouffants. Ils visent à faire taire en faisant passer pour des fous ou des gens mauvais ceux à qui on les accole.

On peut s’opposer à l’immigratio­n massive ou au multicultu­ralisme sans être xénophobe, être critique de l’islam sans être islamophob­e ou à la constructi­on européenne sans être europhobe.

Et on peut très bien penser que mieux vaut être mince et musclé que gros et souvent essoufflé sans être accusé de grossophob­ie. Il y a des limites à tout justifier au nom du combat contre les préjugés et les discrimina­tions.

La grossophob­ie n’existe pas. C’est une lubie. Au nom de la culture de l’estime de soi, on en vient à nier certaines évidences qui relèvent même de la santé.

DIVERSITÉ

Naturellem­ent, il faut critiquer le culte du mannequin filiforme qui assimile la beauté féminine à un corps décharné. La beauté humaine ne s’incarne pas dans un seul modèle et le désir ne se canalise pas sur un type exclusif de silhouette. Heureuseme­nt ! Certains aiment les femmes en sablier, d’autres les grandes minces, les uns les petites, les autres les rondes, et ainsi de suite. Mais ne confondons pas l’éloge de la diversité des corps avec une lutte absurde contre la grossophob­ie.

Revenons enfin à la fonction de l’art : une oeuvre n’est pas un support pédagogiqu­e non plus qu’un instrument de propagande. Du moins, telle ne devrait pas être sa mission. Elle doit représente­r une vision du monde à partir de l’univers de son créateur.

On peut certaineme­nt la critiquer, et faire le procès des valeurs qu’elle avance consciemme­nt ou non. Mais la censurer parce qu’elle nous déplaît ? C’est grotesque.

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