Le Journal de Quebec

Quand Legault renie Gérin-lajoie

- ANTOINE ROBITAILLE Chef du Bureau d’enquête au parlement de Québec @Ant_robitaille

S’il devient premier ministre le 1er octobre, François Legault boudera peut-être le Sommet de la Francophon­ie qui aura lieu les 12 et 13 octobre à Everan en Arménie.

Voilà la position choquante qu’il a exposée dans une entrevue à la Presse canadienne jeudi.

MAUVAISE PRESSE

L’organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie, il faut le dire, a mauvaise presse depuis quelque temps.

Entre autres à cause de l’actuelle Secrétaire générale Michaëlle Jean et de sa gestion calamiteus­e, laquelle « déteint sur l’ensemble de l’organisati­on, son rôle, son fonctionne­ment, son influence », comme l’écrivait récemment l’ancienne ministre Louise Beaudoin dans Le Devoir.

En somme, la Francophon­ie a tellement mauvaise image qu’un aspirant premier ministre du Québec, qui caracole en tête des sondages, se sent obligé de laisser planer le doute sur son éventuelle participat­ion au Sommet où les 84 États et gouverneme­nts membres choisiront la prochaine secrétaire générale.

Triste. La faute en revient à Michaëlle Jean.

Mais aussi à François Legault qui, sous couvert de ne pas avoir l’air présomptue­ux (« Je ne tiens rien pour acquis quant à mon élection »), tente principale­ment de satisfaire une partie de sa base qui ne voit en L’OIF que perte de temps et d’argent.

TICOUNISME

Or, à mes yeux, cette rhétorique procède en grande partie du « ticounisme », selon le joli néologisme forgé par le collègue chroniqueu­r Mathieu Bock-côté.

« Le ticounisme consiste à se moquer de tout appel à la grandeur et à se complaire dans tout ce qui est petit », expliquait-il.

Dire qu’on n’ira pas au Sommet de la Francophon­ie pour François Legault, c’est précisémen­t faire comprendre qu’il y a là du monde bien trop grand pour le « petit Québec » provincial que nous formons.

Cela me rappelle un des commentair­es les plus déprimants qu’une de mes élèves – j’enseignais alors au collégial – m’avait fait lors d’une visite à l’assemblée nationale.

« Mais on est-tu vraiment capable de se payer ça ? » avait-elle lâché, sous les lambris du Salon bleu, avec une moue de malaise.

Misère du ticounisme.

L’HÉRITAGE DE GÉRIN-LAJOIE

Bien sûr, L’OIF mérite des critiques. Mérite qu’on la surveille. Surtout lorsqu’une personne s’imaginant princesse la dirige. On y envoie quand même quelques millions. Mais ce n’est sûrement pas une raison pour tout renier.

Car cela reviendrai­t à enterrer l’héritage de Paul Gérin-lajoie, tout en faisant mine de le célébrer !

Jeudi, à l’entrée des funéraille­s du grand ministre libéral que fut PGL, un homme pour qui le Québec était plus qu’une « prôvince », François Legault avait pourtant su trouver les mots justes.

Il avait célébré le « nationalis­te » responsabl­e de cette doctrine « qui permet, dans des champs de compétence du Québec, quand on va à l’internatio­nal, de parler en notre nom. Pas de permission à demander à Ottawa. » Jean Charest avait trouvé une belle formule pour résumer cette « doctrine » et la martelait dès qu’il était question des relations internatio­nales du Québec : « Ce qui est de compétence québécoise chez nous est de compétence québécoise partout. »

Or, la présence du Québec au Sommet de la Francophon­ie, c’est peut-être une des manifestat­ions les plus achevées de la doctrine Gérin-lajoie. C’est le seul forum internatio­nal où le Québec a réussi à obtenir un statut de gouverneme­nt participan­t. Précisémen­t grâce au caractère central de la langue française dans notre identité.

Oui, comme souvent en relations internatio­nales, il s’agit d’un monde où les déclaratio­ns creuses sont reines, où les discours convenus, en trompe-l’oeil, pullulent ; mais depuis 1987, le Québec a gagné à y être.

En 2018, s’il devient premier ministre, M. Legault pourrait justement aller y porter un message en faveur d’une meilleure gestion de L’OIF, d’une action plus significat­ive.

Rester chez lui reviendrai­t à céder au ticounisme.

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En laissant entendre qu’il bouderait peut-être le Sommet de la Francophon­ie d’octobre, François Legault ferait un affront grave à la « doctrine Gérin-lajoie ».

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