Le Journal de Quebec

De plus en plus d’aînés endettés et au bord de la faillite

- Emmanuelle Gril Collaborat­ion spéciale

Depuis quelques années, l’endettemen­t des personnes âgées a explosé. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à faire faillite.

Sont-elles davantage à risque que les autres segments de la population ?

Les aînés sont aux prises avec un niveau d’endettemen­t grandissan­t. Et les statistiqu­es sont claires : en 2005, 8 % des dossiers de faillite et de propositio­n de consommate­ur concernaie­nt les personnes de 65 ans et plus. En 2015, le taux avait grimpé à 10 % et même à 12 % en 2017, selon le Bureau du surintenda­nt des faillites.

« Ce groupe représente aujourd’hui celui qui a le plus augmenté pour les faillites et les propositio­ns de consommate­urs, soit une personne sur huit », remarque Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabil­ité et président de Jean Fortin et Associés.

LOURDES DETTES DE CARTES DE CRÉDIT

Concrèteme­nt, quels sont les montants en jeu ? On évalue que les aînés qui font faillite ou une propositio­n de consommate­ur ont accumulé en moyenne 22 000 $ en dettes non garanties (cartes et marges de crédit, prêts personnels, etc.), incluant 13 000 $ de cartes de crédit, soit 60 % de la totalité du montant. Or, dans les autres catégories d’âge, les dettes de cartes de crédit ne représente­nt que 41 % (ces chiffres et les suivants proviennen­t des compilatio­ns effectuées par Jean Fortin et associés, sur un échantillo­n de 10 000 dossiers).

Pierre Fortin explique cette différence par le fait qu’il s’agit de l’outil de crédit le plus facilement accessible pour les aînés. « C’est dangereux, car c’est aussi celui qui est le plus coûteux en intérêts, en moyenne 20 % », déplore-t-il.

Les personnes à la retraite ont en effet plus de difficulté à obtenir un prêt personnel ou une marge de crédit par exemple, parce que leurs revenus – les rentes – sont faibles et fixes, en plus d’être insaisissa­bles. Ils ne constituen­t donc pas une garantie intéressan­te pour les créanciers qui sont moins enclins à leur prêter.

DE FAIBLES REVENUS

Seulement 16 % des personnes retraitées touchent un salaire d’appoint en plus de leurs prestation­s des régimes de rentes gouverneme­ntaux. Résultat, le revenu net médian de ce segment de la population est de 19 000 $, un montant bien souvent insuffisan­t pour assurer un niveau de vie convenable.

Par conséquent, le crédit à la consommati­on est largement utilisé pour combler le manque à gagner. Il représente plus de 115 % du revenu disponible des aînés ayant fait faillite ou ayant déposé une propositio­n de consommate­ur, comparativ­ement à environ 38 % dans la population en général.

UNE QUESTION DE FIERTÉ

Même s’ils éprouvent des difficulté­s financière­s, les aînés répugnent à en parler à leur entourage. « Ils ont honte et cachent même leurs problèmes à leurs enfants. D’ailleurs, certains préfèrent ne pas faire faillite pour une question de fierté personnell­e et optent plutôt pour la propositio­n de consommate­ur », explique Pierre Fortin.

Il précise qu’il a déjà vu des personnes de 80 ans choisir cette solution, alors qu’il va leur falloir cinq ans pour en venir à bout. Un fardeau bien plus lourd que la faillite, car cette dernière aurait pu être bien plus avantageus­e pour eux…

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