Le Journal de Quebec

Les Hells Angels ont 70 ans

- LISE RAVARY e Blogueuse au Journal lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Dans ma folle jeunesse, les Hells Angels – et les Popeyes, leurs ancêtres ici – représenta­ient cette forme de liberté fragile acquise en faisant un doigt d’honneur à la société. Ils étaient jeunes, ils portaient les cheveux plus longs et plus sales que tout le monde, se gelaient la bine solide et leurs spectacula­ires Harley choppées faisaient rêver les ti-culs du coin.

Les filles aimaient les reluquer devant une certaine taverne de la rue Sainte-catherine Est, prêtes à tout pour un tour de bécyk qui ne venait jamais. Les motards, quintessen­ce des bad boys, faisaient grimper la températur­e partout où ils passaient. Diane Dufresne a très bien raconté leur effet sur les femmes à l’époque dans Rock pour un gars d’bicycle.

Ils appartenai­ent à la légende californie­nne des années 1960 au même titre que les hippies et la musique psychédé- lique. Quiconque a connu cette période bénie se souvient de la chanson Born to be Wild du groupe Steppenwol­f, quasiment l’hymne national des gangs de motards. Sexe, drogue et rock ‘n roll. Et Harley-davidson.

Et puis arrivèrent la terrible guerre des motards au Québec et la mort du petit Daniel Desrochers, pulvérisé sur la rue Adam, dans Hochelaga-maisonneuv­e, par l’explosion d’une voiture piégée. La vraie nature des motards criminels était révélée à tous.

En secret, bien des Québécois continuent d’admirer leur esprit baveux, leur indépendan­ce, oubliant la violence dont ils sont capables. Un bon père de famille m’a dit récemment qu’il ferait plus confiance aux Hells qu’aux politicien­s. En dépit des meurtres, de la drogue et de la prostituti­on, incluant la prostituti­on juvénile ?

TOUT CHANGE

Avant d’être emprisonné à perpétuité, Maurice « Mom » Boucher se faisait demander des autographe­s. Il a déjà été applaudi au Centre Bell après avoir été acquitté, temporaire­ment, de deux meurtres. J’ignore si certains regrettent ce geste, car il a fini par être trouvé coupable de 13 meurtres.

Aujourd’hui, les Hells sont gras et leurs cheveux, quand il en reste, gris. Ils ne roulent plus sur des choppers, mais sur de sages cruisers. Souvent, les têtes dirigeante­s roulent en BMW ou en Mercedes. Ils portent des costumes et des cravates griffées si un rendez-vous d’affaires l’exige. Ce ne sont pas des imbéciles.

PAYANT

À l’école, j’avais pour ami un garçon aussi brillant que gentil qui est devenu un membre en règle des Hells Angels. Je le vois parfois dans le journal avec ses « frères ». Il aurait pu devenir astrophysi­cien. Ou médecin. Mais c’est moins payant.

Ce sont surtout des hommes d’affaires futés (pas de diversité chez les Hells) qui ne craignent pas de poser des gestes criminels pour obtenir ce qu’ils veulent. Toute une combinaiso­n. Ils collaboren­t avec la mafia et les gangs de rue alors qu’autrefois, ils étaient faroucheme­nt indépendan­ts. Ils ont un site web très profession­nel bardé d’avertissem­ents concernant… le respect de leurs droits d’auteur, une de leurs obsessions.

Né à Fontana en Californie en 1948, le mythe romantique des bikers horsla-loi est mort et enterré. Leur quête de liberté a été remplacée par celle de l’argent. Je ne leur souhaitera­i pas bon anniversai­re.

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