Des cyclistes craignent les enragés du volant
Tant sur les routes que sur les réseaux sociaux, ils sont la cible d’automobilistes qui en ont contre eux
Ils se font crier des menaces de mort, lancer des objets et klaxonner agressivement. Une dizaine de cyclistes qui sillonnent les rues et routes du Québec, été comme hiver, ont confié au Journal être si souvent la cible des foudres d’automobilistes impatients qu’ils craignent parfois un dénouement tragique.
« La plupart des confrontations que j’ai eues se sont terminées avec les mots : “La prochaine fois, si t’es pas content, je te roulerai dessus”. C’est grave ! » confie Mathieu Murphy-perron, un cycliste de 33 ans qui prend son vélo tous les jours pour aller travailler.
Il dit s’être fait lancer un mégot de cigarette parce qu’il avait roulé sur la voie publique au lieu de la piste cyclable pleine de flaques d’eau. « Le gars dans le camion m’a dit : “Tiens, tu vas pouvoir rester au sec”. Ça m’a dégoûté », poursuit-il.
René Pruneau raconte avoir eu très peur, il y a deux ans, quand il s’est fait prendre en chasse avec un ami par un automobiliste au centre-ville de Montréal. « L’auto s’est approchée de moi et le passager a sorti ses mains et cherchait à me faire tomber. Elle revenait sur ses pas pour nous poursuivre. On a dû se réfugier dans un resto pour finalement appeler la police », relate l’homme de 55 ans, qui utilise aussi son vélo chaque jour.
« C’est plus un problème social qu’un problème automobilistes-cyclistes. Ce sont les mêmes comportements qu’entre automobilistes, mais en vélo, on est plus vulnérables », estime Geoffroy Dussault, qui a traversé deux fois l’europe à vélo.
COHABITATION FORCÉE
L’exiguïté des rues, à Québec, conjuguée au « manque d’infrastructures cyclistes », est en grande partie responsable des dangers qui guettent les cyclistes, croient plusieurs d’entre eux. « Sur Grande Allée, on va souvent se faire klaxonner. Les rues sont très étroites », déplore Claudia Gagnon, qui parcourt une vingtaine de kilomètres par jour.
« Québec, ce n’est pas une ville qui offre des infrastructures cyclistes très, très développées. On n’a pas d’autre choix que d’aller se mettre dans le trafic », pointe Félix Aubé-cornut. Il croit que le nombre relativement moindre de cyclistes en ville permet néanmoins une « bonne » cohabitation.
L’organisme Vélo Québec croit que plusieurs automobilistes voient les amateurs de vélo comme des « parasites qui ne paient pas leur droit d’être sur la route ».
« Les taxes foncières, notamment, permettent de payer la voie publique. Le cycliste a donc autant le droit de rouler en sécurité, d’autant qu’il est plus vulnérable qu’une voiture », affirme Magali Bebronne, chargée de programme pour l’organisme.
ENRAGÉS DU CLAVIER
À l’ère du numérique, la rage envers les cyclistes sur les routes se transpose sur les réseaux sociaux. Le Journal y a constaté de violents propos envers les cyclistes. « La solution serait de rouler sur les pistes cyclables avec les voitures », écrit l’un de ces internautes sur Facebook sous une vidéo où l’on voit un cycliste se faire happer.
« Il y a les enragés au volant et les enragés du clavier. Ça fait peur. Tout d’un coup qu’ils passent de la parole aux actes ? » lance Michel Longpré-boisvert, un cycliste de Longueuil.