Le Journal de Quebec

Quand Moreau martèle…

- ANTOINE ROBITAILLE

Pierre Moreau s’est répandu en interviews hier et en fin de semaine pour justifier le projet d’éoliennes controvers­é Apuiat.

Cela tranche avec la semaine passée. Le ministre de l’énergie et des Ressources naturelles était alors occupé à tordre le bras du p.-d. g. d’hydro-québec, Éric Martel.

Car Martel avait soulevé, dans une lettre aux chefs Innus — dévoilée par notre Bureau d’enquête —, plusieurs réserves importante­s quant à Apuiat : pertes de 1,5 à 2 milliards $ pour Hydro sur 25 ans, absence de preuve que le projet va vraiment profiter aux Innus, entre autres.

Ces remises en question ont provoqué une colère noire au gouverneme­nt. On le comprend.

À la mi-juillet, les Couillard, Moreau et Arcand pensaient encore que le projet Apuiat pourrait être annoncé en grande pompe préélector­ale, le 8 août. La date avait été fixée.

ARGUMENTAI­RE

Remarquez, le ministre des Ressources naturelles n’a pas que de mauvais arguments.

Il y a celui de la gouvernanc­e : qui mène à Hydro-québec ?

En théorie, c’est-àdire dans la loi, c’est une responsabi­lité partagée. Entre l’unique actionnair­e, le peuple québécois, donc son gouverneme­nt élu, qui donne les grandes orientatio­ns, et le conseil d’administra­tion, ainsi que le p.-d. g.

Mais dans les faits, le patron unique (à part pour les tarifs, réglés par la Régie de l’énergie), c’est le gouverneme­nt. Pas surprenant que, jusqu’à 2003, le bureau montréalai­s du premier ministre du Québec était situé… dans l’édifice d’hydro-québec, boulevard René-lévesque.

Face à ce pouvoir, jamais avait-on vu un p.-d. g. d’hydro agir comme Martel. Habituelle­ment, ils prennent leur trou. Peut-être aurait-il fallu que Thierry Vandal, l’ancien p.-d. g., ait cette audace pour qu’on ait un vrai débat au sujet du projet pharaoniqu­e de la Romaine ?

Si la CAQ est élue, le président du C.A. d’hydro, M. Penner, mangera ses bas.

CHOC DES PRÉSIDENTS

Ici, en plus, il y a le facteur « président du conseil d’administra­tion », Michael Penner, jadis à la tête d’une fabrique de chaussette­s et de collants, et très proche de Philippe Couillard.

L’homme en mènerait très large au sein de la boîte. Il exigerait d’être présent lors des annonces, comme s’il était le p.-d. g.

Il a exigé que M. Martel se taise publiqueme­nt au sujet d’apuiat. Aux yeux de plusieurs chez Hydro, il outrepasse­rait ses fonctions de président du conseil. Si la CAQ est élue, une chose est sûre : il mangera ses bas.

La crise d’apuiat se double donc d’une crise de gouvernanc­e en son sein même. Un choc des présidents.

L’autre choc, c’est celui des légitimité­s. Celle des élus d’un côté. Qui veulent d’un projet, même s’il est ruineux sur le plan comptable, parce que selon eux, d’autres retombées sont à prendre en compte: développem­ent économique, occupation du territoire, appui des Innus à d’autres projets.

Cette légitimité se heurte à celle du gestionnai­re Martel, qui réplique : tout cela est magnifique, mais incertain, pour un prix trop élevé et pour de l’électricit­é superflue.

Moreau a beau marteler ses arguments, Martel en a aussi de très bons. Et une légitimité certaine.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada