Ottawa multiplie les ratés informatiques
Le ministère créé pour régler bogues a dépensé 2 M$ pour réaliser une seule évaluation
OTTAWA | Le ministère fédéral qui accumule les ratés informatiques a payé 2 millions de dollars pour une équipe d’employés qui a réalisé une seule évaluation de performance en cinq ans.
Depuis plusieurs années, Ottawa paie des sommes faramineuses pour ses systèmes informatiques, qui connaissent pourtant des ratés majeurs. Pour améliorer la situation, il a créé en 2011 le ministère Services partagés Canada, dont le mandat est de réduire les coûts et les bogues.
Mais même s’il connaît encore à ce jour d’importants ratés avec ses projets, ce ministère ne s’est pratiquement jamais remis en question, conclut un rapport obtenu par Le Journal. Depuis 2011, le département a évalué la performance d’un seul de ses coûteux projets.
TROP PEU
Or, ces évaluations sont justement censées « guider la prise de décisions et les améliorations » à entreprendre afin d’éviter que les projets déraillent, selon les règles que le fédéral s’est lui-même fixées.
En refusant de compléter plus d’évaluations, Services partagés Canada a raté l’occasion d’identifier des « lacunes » dans ses projets au moment où les échecs s’accumulaient, croit l’auteur du rapport.
« Ils auraient dû faire plus qu’une seule évaluation, tranche en entrevue l’expert indépendant, Phil Carr. Des analyses de performances auraient sans doute permis d’identifier des occasions de s’améliorer. »
Pire encore, Services partagés Canada a carrément abandonné une poignée d’études pour certains des projets les plus controversés, a-ton appris. Et cela, même si le ministère a payé 2 millions de dollars pour une équipe de 3 à 5 personnes responsables de mener ces enquêtes dans les cinq dernières années.
ARGENT DILAPIDÉ
Parmi les évaluations abandonnées, il y a celle concernant la mise en place d’un nouveau système de courriel pour les fonctionnaires. Ce projet a coûté au bas mot 170 M$ aux contribuables canadiens, alors que le nouveau système de courriel devait générer des économies annuelles de 50 M$. Ce projet est encore sur la glace, alors qu’il devait être achevé en 2015.
Services partagés Canada a aussi largué une analyse de performance de son vaste projet de regrouper quelque 800 serveurs éparpillés à travers le pays. Le ministère est encore loin du compte. Seulement une centaine de centres de données ont été fermés jusqu’à présent. Pendant ce temps, le fédéral continue d’injecter des centaines de millions simplement pour faire fonctionner les vieilles machines qui tombent souvent en panne.
Services partagés Canada, qui gère les plus importants projets informatiques du fédéral, se défend de se traîner les pieds. Un porte-parole rappelle que le ministère est jeune, ayant été créé en 2011. Dans les premières années, ce département avait tout simplement d’autres priorités, plaide Charles Anido, comme faire des embauches, mettre en branle des chantiers informatiques et « établir des points de repère » afin de mener des évaluations pertinentes. Avec la collaboration
d’émilie Bergeron