Quand on se vide le coeur
La semaine dernière c’était la fête des Mères. Pour la première fois, je n’ai pas appelé la mienne. Je me suis sentie triste. Pour tout vous dire, ma mère est atteinte de la maladie d’alzheimer depuis environ sept ans. Le diagnostic est tombé alors qu’elle était à peine âgée de 59 ans. Aujourd’hui elle ne parle presque plus et n’a certainement pas conscience de ce qui se passe autour.
Mais j’ai longuement réfléchi, avec une boule d’une grosseur pas possible ancrée dans le ventre, au fait que ma mère n’est plus comme avant et que ça me ferait plus de peine de l’appeler que de ne pas l’appeler. Certaines dates dans l’année, comme la fête des Mères, décuplent ma peine de la voir dans l’état où elle est depuis que la maladie s’est installée dans sa vie.
Je ne peux pas nier que je passe encore avec elle des moments formidables et joyeux. Chaque fois que ça arrive, j’essaie d’en profiter au maximum. Parfois aussi j’ai mes faiblesses personnelles pendant lesquelles je laisse couler mes larmes, quand les souvenirs d’elle avant la maladie ressurgissent dans ma mémoire.
Je me consacre désormais à mon entreprise, les Éditions Melba, où je crée des outils pour divertir et stimuler cognitivement les personnes atteintes par cette maladie. Mais dans ma tête, on dirait que je n’en fais jamais assez. Que rien n’est suffisant malgré mes livres « Antirides pour les neurones » qui permettent de mettre du soleil dans la vie des personnes atteintes et ça me fait un peu de bien.
Mais j’aimerais tant que ma mère revienne comme avant et qu’elle me donne des conseils comme elle avait l’habitude de le faire autrefois, qu’elle me donne des recettes, des bisous dans la nuque, qu’on danse et qu’on chante à tue-tête sur les airs des Beatles. Elle me manque tellement! Merci de m’avoir permis de dire tout ça!
Marie-pier Vaudry, 35 ans
Merci à vous d’avoir partagé votre peine en même temps que de nous permettre de connaître votre oeuvre, louangée sur internet par des proches aidants. Je comprends votre peine, car les accompagnants des personnes atteintes de la maladie d’alzheimer doivent apprendre à accepter le départ de leur proche bien avant leur vrai grand départ.
La meilleure façon d’apprivoiser cela c’est d’accepter que rien ne sera plus jamais comme avant. Vous n’avez pas appelé votre mère aujourd’hui et l’important est que ça ne vous ait pas fait plus de mal que de bien. Dites-vous aussi, même si sur le coup c’est difficile à intégrer, que vous n’auriez probablement jamais créé votre maison d’édition si votre mère n’avait pas été frappée par la maladie. Mes meilleurs voeux pour la suite.
Je n’ai ni voiture, ni appartement luxueux, ni vêtements griffés, ni rien qui pourrait s’apparenter à la richesse. J’ai eu une enfance difficile dont je me suis sortie victorieuse en m’éloignant des miens pour ne pas qu’ils me contaminent avec leur façon mesquine et vulgaire de composer avec la vie. J’ai étudié aussi loin que j’ai pu avec le peu de moyens dont je disposais. On ne m’a rien donné gratuitement mais je n’ai jamais non plus rien volé à personne.
J’ai 85 ans aujourd’hui et aucun de mes deux enfants ne me parle depuis que leur mère est morte. Il semblerait que nous ayons elle et moi, manqué à nos devoirs en ne les gâtant pas dans leur jeunesse et en les privant de ce que tous les voisins avaient. Je ne suis pas sur la paille mais je subsiste avec l’aide des oeuvres collectives. Que pensez-vous de tels enfants ?
Un homme heureux
Difficile de vous répondre avec si peu d’informations. Les relations entre parents et enfants étant si complexes, et la vérité des uns se confrontant à la vérité des autres, vous seul pouvez savoir si vous avez manqué. Il ne vous reste qu’à vivre avec ce qui vous appartient.