UN FLÉAU ENTOURÉ D’UN GRAND SECRET
Même si le phénomène est grandissant, les fédérations sportives du Québec refusent de dévoiler le nombre de commotions cérébrales subies par leurs membres
Alors que les commotions cérébrales se multiplient au Québec et frappent plusieurs vedettes du monde du sport, les fédérations sportives entretiennent le secret autour des statistiques qu’elles détiennent sur ce fléau.
Au cours des derniers mois, Le Journal a interviewé une quarantaine d’athlètes, d’experts, d’entraîneurs et de fédérations afin de faire la lumière sur le phénomène des commotions cérébrales au Québec.
Que ce soit au hockey, au football ou à la boxe, les fédérations sportives admettent consigner des statistiques sur le nombre de commotions subies par leurs membres, mais refusent de les rendre publiques. Seule la Fédération de cheerleading du Québec a accepté de lever le voile sur ses données (voir autre texte page 91).
DE PLUS EN PLUS JEUNES
Les commotions cérébrales font pourtant plus de ravages que jamais, admettent de nombreux intervenants interrogés dans le cadre de ce reportage.
Et elles frappent des athlètes de plus en plus jeunes, soutient Philippe Fait, thérapeute du sport et fondateur de la clinique Cortex.
« On commence à en voir beaucoup », confie-t-il.
Le thérapeute est encore ébranlé lorsqu’il relate le cas d’un jeune adepte de boxe, âgé d’à peine 7 ans.
« À chaque combat, il vomissait, dit-il. On l’a revu plus tard à l’âge de 10 ans. On le traitait, mais quand il était prêt, il retournait boxer », indique l’expert, qui lui a conseillé de changer de discipline.
Dans le cadre de ce reportage, Le Journal a recueilli plusieurs témoignages troublants, dont ceux d’un ado qui s’effondre en plein match de football des suites de commotions qu’il a subies, ou encore d’un hockeyeur jadis réputé pour sa robustesse et qui est maintenant inapte au travail (voir texte ci-contre).
L’explosion de l’offre en sport étudiant et les nouveaux efforts de sensibilisation peuvent expliquer la recrudescence du nombre de commotions cérébrales, pensent les spécialistes interrogés par Le Journal.
La neuropsychologue Geneviève Boulard, spécialisée en médecine du sport depuis 20 ans, affirme avoir vu près de 3900 nouveaux patients commotionnés depuis cinq ans. « C’est beaucoup trop », juge-t-elle.
Les commotions cérébrales n’épargnent personne, pas même les sportifs de haut niveau. La vedette québécoise de la NFL Laurent Duvernay-tardif a été tenue à l’écart du camp d’entraînement des Chiefs de Kansas City, cette semaine, après avoir été victime d’une commotion. Le Québécois, diplômé en médecine, a refusé nos demandes d’entrevues sur le sujet.
Le nouveau quart-arrière des Alouettes, Johnny Manziel, ainsi que l’un des meilleurs joueurs de la LNH, Sidney Crosby, pour ne nommer que ceux-là, en ont aussi déjà été victimes.
TOUJOURS PAS DE REGISTRE
Non seulement les fédérations sportives entretiennent le secret autour des données qu’elles possèdent, mais le ministère de l’éducation, du Loisir et du Sport ne tient toujours aucun registre des traumatismes crâniens en milieux sportifs, avonsnous constaté.
Le nouveau protocole du gouvernement, lancé il y a à peine un an, n’a pas encore atteint sa cible, croient les experts. « Plein d’écoles nous contactent pour savoir comment l’appliquer, puisqu’ils n’ont pas les moyens et les professionnels pour le faire », déplore Philippe Fait.
« J’AI EU DES FLASHS NOIRS EN ME BATTANT. »
– Martin Larivière, hockeyeur