Des universités ne divulguent pas les sanctions des profs
Des victimes croient que la loi contre les violences sexuelles est insuffisante
Une nouvelle loi est censée changer la façon de gérer les cas de violence sexuelle dans les universités. Mais les victimes ne pourront toujours pas savoir si leur harceleur a été puni d’une quelconque façon, dénoncent des étudiants et des professeurs.
« Ça donne quoi de porter plainte, si jamais je ne pourrai savoir ce qui est arrivé avec la plainte ? », se demande Véronique Pronovost.
D’ici l’automne 2019, les universités de la province devront se doter d’une politique visant à combattre les violences sexuelles sur les campus. Mais rien dans la nouvelle loi ne permet aux établissements de mieux communiquer avec les victimes.
Mme Pronovost fait partie de ceux qui craignent que cette loi ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau pour les rares victimes qui se décident à passer par les voies officielles.
Car les lois sur la protection des renseignements personnels s’appliquent aux cas de violence au travail.
Que ce soit dans une banque, un hôpital ou une université, votre employeur ne peut révéler à personne qu’un de vos collègues a été puni pour avoir harcelé quelqu’un, à moins qu’il y consente ( voir autre texte).
FAUSSE VICTOIRE
En 2011, Mme Pronovost étudiait à la maîtrise à l’université du Québec à Montréal (UQAM). Un soir, un professeur du département s’est pointé à une fête étudiante à laquelle elle assistait. Au gré de conversations sur leurs intérêts de recherche, il s’est fait de plus en plus insistant, même si elle essayait de se défiler, raconte-t-elle.
Il est finalement parvenu à l’entraîner sur un balcon et à l’embrasser. Après qu’elle l’ait repoussé, il a mis une main dans son pantalon.
Pendant des années, elle a ressenti de la honte. Sa santé mentale en a écopé, dit-elle.
Puis, en 2014, elle a déposé une plainte à L’UQAM.
« Je voulais l’empêcher de reproduire le même comportement avec d’autres. »
Une enquête interne a été ouverte. En 2015, elle a reçu un rapport qui reconnaît qu’elle a été victime de harcèlement sexuel.
Or, jamais elle n’a su si le professeur en question a été suspendu ou puni d’une autre façon.
RÉVISION DEMANDÉE
« Les étudiants [qui portent plainte] ne se sentent pas en sécurité. Ils ne savent pas s’ils peuvent tomber face à face avec leur agresseur dans les couloirs », observe Connor Spencer, de l’association étudiante de l’université Mcgill.
Des voix demandent donc à ce que les lois sur la protection des renseignements per- sonnels soient revues. Même la Fédération québécoise des professeurs, qui représente 8000 membres, a adopté en avril une résolution qui va en ce sens. De son côté, le cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur, Hélène David, indique que ces lois ne relèvent pas de son ministère et n’a pas répondu à notre demande d’entrevue. La ministre de l’accès à l’information, Kathleen Weil, n’a pas donné suite à notre requête.
Le Journal a tenté de connaître le nombre et la liste des punitions imposées à des professeurs dans toutes les universités au Québec.
Rares sont ceux qui ont été punis depuis 2012. Mais les données obtenues sont si partielles qu’il est impossible de dresser un portrait complet.
« ILS [LES ÉTUDIANTS] NE SAVENT PAS S’ILS PEUVENT TOMBER FACE À FACE AVEC LEUR AGRESSEUR DANS LES COULOIRS »
– Connor Spencer, de l’association étudiante de Mcgill