Jouer du coude pour se démarquer
L’industrie québécoise des microbrasseries s’apprête à atteindre un point de saturation
Victime de son succès, l’industrie des microbrasseries s’apprête à atteindre son point de saturation après une quinzaine d’années d’effervescence fulgurante, croient plusieurs brasseurs québécois.
Le cap des 200 entreprises brassicoles a été franchi cette année, alors que les microbrasseries s’arrogent actuellement environ 12 % des parts du marché de la bière, une industrie de 2,3 G$ au Québec.
« On s’en vient nombreux », convient Gabriel Prud’homme, superviseur pour la microbrasserie Les 2 Frères.
Plusieurs brasseurs rencontrés hier par Le Journal à l’occasion du Festibière de Québec sont d’avis qu’ils devront plus que jamais jouer du coude pour se démarquer de la compétition.
PHASE DE CONSOLIDATION
« On est dans une phase de saturation pour le marché en bouteilles. Les produits vont commencer à avoir besoin de se démarquer pour se rendre aux yeux des clients », observe Anthony Fournier, gérant de festival pour La Souche.
De 2007 à 2017, les microbrasseries ont sans cesse gagné du terrain aux dépens des grands brasseurs en faisant passer leurs parts de marché de 4,5 à 12 %. L’industrie s’engage maintenant dans une phase de consolidation, selon le bulletin printanier de l’actualité agroalimentaire du ministère de l'agriculture, des Pêcheries et de l'alimentation.
« On va continuer à gruger des parts aux gros brasseurs, mais ça va aller plus lentement. On arrive en haut de la courbe de progression », avertit Jean-luc Marchand, propriétaire de la Broadway Microbrasserie à Shawinigan.
MOTEUR ÉCONOMIQUE RÉGIONAL
Les étalages de bières artisanales sont répandus et bien garnis, tandis que les événements brassicoles comme le Festibière sont nombreux et achalandés. Si une frange de l’industrie s’apprête à afficher complet, une autre peut toujours aspirer à exploser : les broue-pubs, soit les endroits où la boisson servie est celle brassée sur place.
« Il peut y avoir autant de broue-pubs qu’il y a de bars au Québec », lance Jean-christophe Bilodeau, assistant-brasseur à La Souche.
Cette voie s’avère une avenue de développement économique intéressante pour les régions, selon plusieurs brasseurs loin des grands centres, qui assurent que les produits locaux permettent de faire rayonner la région et d’attirer des touristes.
« Les gens sont contents de voir que les entrepreneurs régionaux sont capables de devenir un moteur économique et une fierté pour chaque région », souligne Jonathan Martin-belec, copropriétaire de la microbrasserie Beau’s en Ontario.
Les broue-pubs peuvent faire office de fer de lance économique, juge la brasseuse Caroline Desrosiers, de La Fabrique à Matane, selon qui la Route des bières de l’est du Québec contribue « énormément » à alimenter un nouveau type de tourisme dans le Bas-saint-laurent et en Gaspésie.
« Cet été, on l’a vraiment vu. Ça n’a pas arrêté de l’été. Le tourisme a augmenté significativement en Gaspésie cette année et c’est en grande partie grâce à ça », indique Mme Desrosiers.