Le Journal de Quebec

Des combats de 24 heures

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Dierry Jean se préparait à se rendre à Toronto, hier, quand le message lui est parvenu. Le gala de boxe prévu à Toronto samedi soir venait d’être annulé. Lee Baxter, un des organisate­urs avec Yvon Michel dans la présentati­on du combat entre Adonis Stevenson et Badou Jack, rapportait le gala à une date ultérieure.

Des boxeurs du promoteur Evander Holyfield auraient eu des problèmes aux douanes. Visas non conformes.

On peut cependant croire que la vente des billets tirait de l’aile. Dans ce temps-là, certains promoteurs tirent la « plug » et les boxeurs s’arrangent avec leurs problèmes.

Parmi ces boxeurs, personne n’était plus frappé de plein fouet que Dierry Jean.

DES DÉPENDANCE­S… DEVENUES MALADIES

Voyez-vous, Dierry Jean allait livrer son premier combat en deux ans. Ses dépendance­s terribles à l’alcool, au gambling et à la drogue l’avaient conduit dans une cellule de prison.

Avant cette maladie, puisque rendu où était Dierry Jean on parle d’une maladie grave, c’est dans des maisons fermées de désintoxic­ation que la maladie l’avait conduit, après lui avoir fait rater les fleurons d’une extraordin­aire carrière. Malgré l’alcool, malgré le gambling et, à la fin, malgré la dope, Dierry Jean s’est rendu deux fois en finale pour un titre mondial. Une fois à Showtime et l’autre fois à HBO : « Dierry Jean est sans doute le plus talentueux des boxeurs sortis du Québec. Il a été le premier à permettre à Eye Of The Tiger de disputer un combat de championna­t du monde. Et les deux fois, il a avoué après sa défaite qu’il était retombé dans ses dépendance­s pendant son camp d’entraîneme­nt. C’est un homme attachant qu’on a essayé d’aider tant qu’on a pu », racontait Camille Estephan hier après avoir appris que le gala de samedi était annulé.

DES COMBATS DE 24 HEURES

Cette semaine, Jean a donné une entrevue touchante à Jean-luc Legendre. Il soulignait à quel point ce combat était important pour lui. Pour la première fois depuis longtemps, il était sobre.

C’est la première pensée que j’ai eue en apprenant que Dierry Jean se retrouvait sans récompense pour sa nouvelle sobriété. Je sais que Jean doit livrer des combats de 24 heures chaque jour. Je sais aussi qu’une déception aussi cruelle que celle d’hier peut ouvrir une fissure dans le travail de thérapie de plusieurs mois. J’espère que tout s’est bien passé hier soir et que ce matin Dierry Jean va entreprend­re la journée comme un autre combat de 24 heures à gagner. La boxe, c’était loin, c’était samedi ; aussi bien dire une éternité quand on doit vivre pour le reste de ses jours avec une maladie.

Pour écrire la série Casino, j’ai visité plusieurs casinos. Dont celui de Montréal, que j’ai exploré de fond en comble. J’ai entendu des histoires presque incroyable­s si je n’avais pas eu la chance de jeter un coup d’oeil sur des cas semblables qui se déroulaien­t devant mes yeux… ou les caméras du casino.

LE COMBAT D’UNE VIE

Des femmes et des hommes portant des couches sous leurs vêtements pour pouvoir rester plus longtemps devant leur machine à sous, des hommes déguisés en femme pour espérer tromper la vigilance des physionomi­stes du casino capables de les reconnaîtr­e. Ces malades faisaient partie des auto-exclus. Des joueurs compulsifs qui demandent au casino de les barrer à l’entrée. Deux jours plus tard, ils reviennent déguisés de toutes les manières pour tromper les surveillan­ts et les caméras. Le gambling est sournois et violent quand il cesse d’être un loisir contrôlé.

Dierry doit vivre avec cette hantise. En plus, il est confronté à une culture du gambling qui est implantée dans toutes les expression­s populaires de la vie quotidienn­e. « Y aller all in… je gagerais pas une piastre… coté à deux contre un… tenter sa chance… je sens que ma luck va virer… »

Même chose avec l’alcool dont les pubs et les commandite­s l’invitent chaque heure à consommer.

Quant aux drogues, vous le savez, le pot à Trudeau et ses amis s’en vient.

Pauvre Dierry, c’était déjà pas facile.

HÉROS MALGRÉ LUI

Ce matin, Dierry Jean a entrepris une vie de 24 heures. C’est sûr qu’il a hâte de savoir quand est-ce que Lee Baxter va lui offrir un autre combat. Mais en même temps, il doit rester conscient qu’il ne peut oublier le vrai combat. Celui de la journée.

Ça ne donnerait rien de se battre la semaine prochaine s’il ne peut s’endormir sobre ce soir.

C’est pour ça que Dierry Jean a quelque chose d’héroïque. Il en a pour des années avant de même songer à relâcher sa vigilance.

Il en a pour des années à faire face. À être capable de dire à la caméra de Jean-luc Legendre : « Pour aujourd’hui, je suis un dépendant sobre ».

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PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI Dierry Jean comptait sur le combat de samedi à Toronto pour se remettre en selle après deux années difficiles sur le plan personnel.
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