Le Journal de Quebec

Shapovalov, un nouveau Subban

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

La télévision a profondéme­nt changé notre vision du sport et de ses joueurs vedettes. En plus d’exceller dans leur discipline, ceuxci doivent maintenant avoir du charisme au risque de voir fuir les téléspecta­teurs sans lesquels aucun sport profession­nel ne saurait subsister.

Les athlètes que nous avions l’habitude de voir de loin du haut des estrades s’invitent désormais dans nos salons. Si nous avons un écran de bonne dimension, ils y sont même grandeur nature. Les caméras ont tout le temps qu’il faut pour scruter la moindre de leurs expression­s. J’ai passé les derniers jours à regarder le US Open, le tournoi de tennis le plus excitant avec celui de Wimbledon. Il n’y a pas si longtemps, on n’y voyait pas de Canadiens. Aujourd’hui, grâce aux trois centres d’excellence de Tennis Canada, il s’y trouve toujours des Canadiens, dont un certain Denis Shapovalov.

MOMENTS D’INTENSE ÉMOTION

Le jeune Ontarien de 19 ans n’a pas encore gagné de grand tournoi, mais il a conquis tous les téléspecta­teurs. Par son jeu audacieux d’abord, mais surtout par son charisme. Dégingandé comme un ado qui a grandi trop vite, la tignasse blonde tenue en laisse par une casquette trop grande, palette sur la nuque, Shapovalov joue autant avec la foule que sur les nerfs de ses adversaire­s. Vendredi dernier, il a perdu au troisième tour du US Open dans un match crèvecoeur contre le Sud-africain Kevin Anderson, un joueur beaucoup plus expériment­é. Shapovalov est si spectacula­ire, si expressif, si éblouissan­t et si haut en couleur que même les partisans d’anderson l’ont chaudement applaudi lorsqu’il a quitté le stade. « Tiens, me dis-je, le tennis canadien a trouvé son Subban ! »

Deux jours plus tôt, Shapovalov avait étreint avec affection son ami Félix Auger-alliassime, obligé d’abandonner son match contre lui pour des soucis de santé. Oubliant la foule, n’écoutant que son coeur, Shapovalov accompagna son adversaire hors du stade, son bras lui enlaçant les épaules. Une scène touchante comme on n’en voit presque jamais dans le sport.

UNE MACHINE ENNUYEUSE

Dimanche, j’ai regardé sans état d’âme Milos Raonic, l’autre vedette canadienne du tennis, perdre un match serré contre l’américain John Isner. Raonic n’a pas mal joué, mais comment ressentir des émotions quand on a devant les yeux un joueur qui semble n’en éprouver aucune ? Raonic, c’est une machine. Prévisible et ennuyeuse comme un métronome. Sûrement le seul joueur au monde capable de s’escrimer pendant cinq heures sans qu’un seul de ses cheveux se rebelle. Avant la télévision, on ne pouvait remarquer ces choses. De nos jours, gagner la coupe Stanley ou la série mondiale tient presque de la loterie. Le Canadien de Montréal comme les Blue Jays de Toronto n’ont chaque année qu’une chance sur 30 d’y parvenir. Des décennies peuvent donc s’écouler avant qu’ils y arrivent. Pour garder leurs partisans, les équipes n’ont plus le choix. Elles doivent compter sur au moins un joueur assez charismati­que pour faire oublier aux supporteur­s de longues périodes de déboires.

Quelle bêtise de la direction du Canadien d’avoir échangé P.K. Subban, l’un des athlètes les plus charismati­ques du monde, tous sports confondus ! Heureuseme­nt qu’au tennis, on n’échange pas les joueurs !

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