Le Journal de Quebec

« Le changement est long comme la vie »

- Russel-aurore Bouchard est écrivaine et historienn­e

Je comprends que cela est difficile à vivre pour ceux et celles qui ne se sentent pas en harmonie avec leur sexe biologique, je comprends que les parents d’aujourd’hui qui y sont confrontés se sentent impuissant­s et désemparés, mais c’est la réalité.

On ne cesse de demander mon avis sur le projet de Jasmin Roy et ses marionnett­es trans parcourant les écoles du Québec. Personnell­ement, je suis très mitigée !

Oui, si c’est pour aider les parents à comprendre et s’adapter à un problème de trans identité qu’ils découvrent chez leur enfant. Oui, si c’est pour aider un enfant et ses camarades à mieux comprendre et accepter. Oui, peut-être, pour bien d’autres raisons. Mais j’y vois tout de même le danger d’une dérive sociétale qui, un jour pas trop lointain, finira par nous percuter de plein fouet, et cela m’inquiète pour la suite des choses.

RIEN D’UN PARTY

La question qui m’interpelle au premier titre est de savoir si, en agissant de la sorte, nous ne provoquons pas les évènements plutôt que d’aider à les résoudre. Certes, la trans identité est une réalité avec laquelle nous devons composer et nous adapter, et pour ceux et celles qui doivent composer avec cela, ça n’a rien d’un party.

Dans l’enfance nous sommes en quête d’identité et rares sont les petits garçons qui n’ont pas essayé les talons hauts de leur maman, bien nombreuses sont les fillettes qui aiment chausser les grosses bottes capées de leur papa. Parfois, ils y prennent plaisir et le jeu peut durer très longtemps. Mais ça ne fait pas d’eux et d’elles des trans pour autant.

À TÂTONS

Ce phénomène de société est encore très récent, à notre époque, et nous avançons à tâtons avec cette nouveauté sociologiq­ue. Chez les Indiens des temps anciens, cela était très bien intégré à leurs moeurs, à leurs croyances et à leurs cultures. Mais aujourd’hui, le problème ne se pose pas de la même façon et il faudra attendre de voir comment ça se passe de l’âge adulte à la vieillesse.

Combien de suicides ? Combien de maladies coronarien­nes dues à l’hormonothé­rapie ? Combien de difficulté­s à vie dues aux opérations de réattribut­ion de sexe ? Combien de ces enfants trans n’auront vécu qu’un épisode passager dans le sexe social de l’autre, et comment vivront-ils cela ? Combien regrettero­nt ce passage ? Combien de dépression­s dues à cela ?

TOUS DIFFÉRENTS

Pour moi, c’était un passage obligé et je devais le faire pour survivre ! Je n’avais pas d’autre choix pour apaiser une souffrance identitair­e réelle. Mais c’était mon cas, pas celui des autres ! Est-ce aussi critique pour tous les autres ? Pas sûre !

Je n’oublie pas que nous sommes tous différents et qu’il n’y en a pas une, pas un qui le vit de la même façon. Et je sais, après avoir passé mes onze dernières années dans le genre social de l’autre (on ne change pas le sexe biologique), que le chemin est long comme la vie, et que chacune de ces étapes requiert un temps d’adaptation et de réflexion, et son lot d’imprévus.

À bon entendeur salut !

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Ce phénomène de société est encore très récent, à notre époque, et nous avançons à tâtons avec cette nouveauté sociologiq­ue.

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