Le Journal de Quebec

Nos grands-parents

- CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

La relation que nous avons avec nos grands-parents est paradoxale. Nous leur devons notre existence même, mais il est si facile de les oublier. Pour plusieurs, ils ont exigé de s’en tenir au rôle de celle ou de celui qui gâte, puis nous les laissons à leur ennui.

Certes, les manières dont nous concevons individuel­lement notre rapport avec nos grands-parents sont aussi multiples que le nom que nous leur donnons. Il y a autant de « mamie » et de « grand-p’pa » que de façons de les avoir dans nos vies.

Pour preuve, une discussion fascinante tenue hier à l’émission Médium Large, sur la Première chaîne, entre quatre intervenan­ts qui ont été élevés par leurs grands-parents. Certains doivent guider leur descendanc­e qui négocie les turbulence­s d’un monde qui change trop vite. D’autres nous auront fait dîner chaque jour, trop pressés de sortir de table entre deux demi-journées d’école. Un peu tragiqueme­nt, toutefois, la rencontre ne survient tout simplement jamais. L’un s’est absenté trop tôt…

DES REPÈRES

Il y a des gens qui deviennent des grands-parents collectifs. Des voix familières de notre société qui, par la résilience de leur présence dans notre monde politique, culturel et médiatique, font figure de repères pour un peu tout le monde.

Pourtant, il y a quelque chose que l’on oublie trop souvent lorsque disparaiss­ent des personnes comme Lise Payette, Gilles Pelletier ou Jacques Parizeau, il y a un peu plus longtemps. Chaque fois, quelqu’un quelque part a perdu son grand-père chéri ou sa grand-mère adorée. Notre deuil collectif ne peut alors faire autrement que de peser sur la peine très privée, intime et, surtout, plus légitime de celle ou de celui qui dit adieu à un proche.

Laisser partir ses grands-parents n’est facile pour personne. Car si vieillir est la grâce de ceux qui ne sont pas tombés trop tôt, on n’accepte pas davantage de les voir connaître toutes les petites défaites qui rapprochen­t de la fin. Plusieurs vivent leur vieillesse comme un naufrage. Celui qui en est témoin et qui prend soin ne s’habitue jamais vraiment à cette inversion des rôles. Bref, de nombreux petits deuils précèdent le plus grand d’entre eux.

HÉRITAGE PRÉCIEUX

Il ne faut pas s’étonner que la question des conditions de vie des personnes aînées prenne toujours autant de place dans cette campagne électorale, dont on disait pourtant qu’elle serait celle de la génération X. Les sondages démontrent que si l’on demande aux électeurs quelle est leur priorité, ils seront très nombreux à répondre la santé ou l’économie. Si on leur propose plutôt d’en nommer trois ou cinq, une écrasante majorité de gens penseront à la manière dont leurs parents vieillissa­nts, leurs grands-parents ou euxmêmes sont soignés.

Nos grands-parents, qu’on pense ou non à eux, sont toujours dans nos têtes, donc. À travers ce qu’ils ont transmis à nos parents ou qu’ils nous ont directemen­t appris. À travers le rôle qu’ils ont joué dans la collectivi­té où nous évoluons. À travers l’inquiétude sourde que nous ressentons aujourd’hui pour eux, comme ils l’ont déjà fait pour nous.

Il y a toutefois une manière de faire durer la contributi­on de nos grands- parents qui peut continuer tant qu’ils sont encore avec nous. C’est en multiplian­t les moments partagés avec eux pour les faire jaser et se raconter.

C’est l’héritage le plus précieux qu’on puisse leur réclamer.

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Il y a des gens qui deviennent des grands-parents collectifs.

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