Le Journal de Quebec

Au-delà des murs de l’établissem­ent, la vie...

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27 avril 2018. Ils sont une trentaine d’élèves du Collège François-de-laval à remettre les pieds sur la terre ferme au port de Rimouski. Ils ont la tête pleine de paysages côtiers. Ils sont forts d’apprentiss­ages variés. Ils ont fait le plein d’air frais et de souvenirs. Ils ressortent fiers et ont un sentiment d’accompliss­ement après avoir vécu une expérience unique : une expédition d’une semaine complète en mer, à parcourir les eaux bordant la province, à bord du Bella Desgagnés.

DÉMOCRATIS­ER LE VOYAGE

Il en est ainsi au Collège depuis 2002, alors que des élèves de l’établissem­ent partent pour le très attendu voyage de fin d’année au large, à la découverte des trésors du Québec. Une tradition que les élèves qui passent par le Collège François-de-laval doivent à Normand Boily, alors enseignant en histoire. Quelque temps après son arrivée au Collège, ce passionné de voyage en est venu à un constat : le seul voyage organisé pour les élèves de 5e secondaire était réservé à la quarantain­e de finissants qui avaient particuliè­rement bien réussi et qui avaient toujours maintenu un bon comporteme­nt. Et les autres ? Rien, alors que certains auraient bien voulu faire partie de l’aventure. « Je me disais qu’il fallait démocratis­er ça, il faut ouvrir, relate M. Boily. J’étais tiraillé par ce fait : ouvrir les fenêtres et offrir ça à tout le monde. Je me disais que la culture devait passer par le voyage à l’extérieur des cours et il faut que ce soit ouvert à tout le monde. » Il n’en fallait pas plus pour qu’il rencontre la direction pour soumettre son idée. La directrice de l’époque lui a demandé de travailler sur un projet. « J’ai fait mes devoirs et je suis arrivé à un projet pour aller à Washington, dit-il. J’avais monté un dossier de plusieurs pages. Elle a acheté mon idée et mon enthousias­me et je suis parti avec un groupe de précurseur­s pour trois jours. » L’initiative a été concluante et les félicitati­ons n’ont pas tardé à venir. Ce voyage a marqué un tournant. On a compris qu’organiser un voyage offert plus largement était possible. Après six ans, l’enthousias­me de M. Boily s’étiolait. Il avait envie de proposer autre chose. Une autre équipe a repris l’organisati­on du voyage à Washington.

DU COLLÈGE À LA CÔTE-NORD

Puis M. Boily a retrouvé par hasard un ami de jeunesse, M. François Bertrand, qui agissait comme directeur du développem­ent commercial du Relais Nordik, un bateau du Groupe Desgagnés. « Ce bateau desservait les villages de la Basse-côte-nord et de la Côte-nord pour leur apporter de la marchandis­e : nourriture, matériaux, accessoire­s, etc. J’étais fasciné et je l’ai écouté pendant plusieurs heures. Puis il m’a appris qu’il y avait des cabines sur le navire. J’ai eu un flash. » Ce flash, c’était d’explorer la possibilit­é de partir du port de Rimouski dans ce bateau-taxi avec les élèves pendant sept jours. L’appui indéfectib­le de M. Louis-marie Beaulieu, du Groupe Desgagnés, aura été crucial, appui qu’il maintient d’ailleurs aussi généreusem­ent depuis les débuts de cette merveilleu­se aventure. Comme il fallait donner ses lettres de noblesse au nouveau programme Découverte – qui correspond­rait, pour certains, à l’enseigneme­nt régulier – offert par le Collège, la perspectiv­e d’organiser cette expédition tombait à point. On connaît la suite. « Je voulais offrir quelque chose d’intéressan­t chez nous, affirme M. Boily. Parce qu’il n’y a pas qu’à l’étranger qu’on retrouve les belles choses, ne serait-ce que les paysages, l’infini, la lumière, la multitude de cultures différente­s, des Acadiens sur la Côte-nord, qui ont fui avec la déportatio­n

« Au gré du temps, au gré des vents, mes camarades de classe et moi avons vogué à bord du Bella Desgagnés durant une merveilleu­se semaine. De magnifique­s paysages se succédaien­t dans le petit hublot de notre cabine et nous foulions les petits trottoirs en bois de minuscules villages plus charmants les uns que les autres. Nous nous sommes imaginés moussaillo­ns dans une vieille épave à Kegaska, nous avons fredonné Le grand cerf-volant à Natashquan en pensant à Gilles Vigneault et nous nous souviendro­ns longtemps des cerfs affamés de l’île d’anticosti. » — Jeanne Cantin, élève

« Le voyage sur la Basse-côte-nord est absolument unique. De port en port, entre amis, on vogue d’une aventure à l’autre, tout en découvrant les villages pittoresqu­es, leurs habitants chaleureux et leur nature à couper le souffle. Que ce soit d’avoir nourri des cerfs à l’île d’anticosti, d’avoir brisé des glaces à l’approche de SaintAugus­tin ou même d’avoir escaladé l’épave de Kegaska, chaque arrêt nous a créé de magnifique­s souvenirs, tous plus beaux les uns que les autres. » — Sophie Demaisy, élève

de 1755, les Innus, les Naskapis, les Irlandais, les Anglais, des Français, une mosaïque ethnologiq­ue super intéressan­te, oubliée de tous. » L’ambiance, à bord du navire ? « Rien à voir avec celle d’une salle de classe, affirme Julie Boudreault, enseignant­e en arts plastiques, qui a pris part au voyage depuis une quinzaine d’années. Nous n’avons pratiqueme­nt aucune discipline à faire à bord. Les jeunes sont bien préparés, on a bien expliqué de quelle façon ça fonctionne. On fait les travaux scolaires pour ne pas prendre trop de retard, on joue à des jeux de société, on se voit en pyjama le matin, on organise des activités le soir… Le contexte, plus décontract­é, fait que les jeunes nous perçoivent différemme­nt. »

APPRENDRE LA VIE AUTREMENT

Les élèves et leurs professeur­s accompagna­teurs s’embarquent donc pour partir à la rencontre des habitants de Sept-îles, Anticosti, Havre-saint-pierre, Natashquan, Kegasta, La Romaine, Harrington Harbour, Tête-à-la-baleine, Blanc-sablon... En trame de fond ? Le fleuve Saint-laurent. Autant d’escales qui ponctuent l’itinéraire emprunté par le navire, autant de lieux de découverte pour ces élèves devant qui une multitude de chemins s’ouvrent : celui des prochaines années de formation, celui de la carrière, mais aussi celui de la vie. La vraie. « Vivre dans une coquille de noix de 225 pieds de long (presque complèteme­nt rénovée), au coeur d’un monde infini et merveilleu­x, est le centre de nos vies durant le périple, écrivait Normand Boily, en 2005. Nous vivons les différence­s et la tolérance. Nous vivons «un autre monde chez nous», et cela, au-delà de notre routine trop aseptisée. Pour nous tous, ce voyage de découverte­s est un excellent outil pour apprendre à apprendre. » Cette semaine est donc, pour les élèves, mais aussi pour les professeur­s, une occasion i nouïe d’apprentiss­ages dans toutes les dimensions de la vie. La géographie du Québec, en parcourant des lieux qu’ils ont survolés « théoriquem­ent », en lisant les manuels et en apprenant à lire des cartes. L’écologie, en investissa­nt de nouveaux territoire­s recelant une faune variée et différente de celle qu’ils ont pu côtoyer au cours de leur vie. La vie sociale, par l’entraide et la chance de côtoyer des pairs, des enseignant­s, des habitants de tous les horizons. L’individu, parce que chacun des membres de l’expédition est nécessaire­ment confronté à lui-même, à ses réflexions, à ses valeurs, à ses possibilit­és et à ses limites. Le chemin parcouru, non seulement celui à bord du navire et dans les municipali­tés visitées, mais aussi celui à l’intérieur de soi, donne lieu à des découverte­s qui seront utiles pour la vie.

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 ??  ?? Au cours de leur voyage d’avril 2003, 44 élèves et 4 professeur­s du Petit Séminaire de Québec ont vécu une expérience hors du commun : le Nordik Express s’est empêtré dans la glace à 20 km au large de Blanc-sablon. Ils y sont restés pendant une semaine, après quoi on a pris la décision de l es évacuer. C’est finalement une spectacula­ire opération de sauvetage en mer en hélicoptèr­e qui s’est déployée pour rapatrier l es participan­ts jusqu’à l a terre ferme. Le Nordik, pour sa part, est resté piégé dans l a glace pendant près de 10 jours. Il aura fallu, pour l e libérer, l’aide de deux brise-glace de l a garde côtière. Une aventure que l es élèves et les enseignant­s qui ont pris part au voyage n’oublieront jamais et qui est passée au rang d’anecdote entre les murs du Collège.
Au cours de leur voyage d’avril 2003, 44 élèves et 4 professeur­s du Petit Séminaire de Québec ont vécu une expérience hors du commun : le Nordik Express s’est empêtré dans la glace à 20 km au large de Blanc-sablon. Ils y sont restés pendant une semaine, après quoi on a pris la décision de l es évacuer. C’est finalement une spectacula­ire opération de sauvetage en mer en hélicoptèr­e qui s’est déployée pour rapatrier l es participan­ts jusqu’à l a terre ferme. Le Nordik, pour sa part, est resté piégé dans l a glace pendant près de 10 jours. Il aura fallu, pour l e libérer, l’aide de deux brise-glace de l a garde côtière. Une aventure que l es élèves et les enseignant­s qui ont pris part au voyage n’oublieront jamais et qui est passée au rang d’anecdote entre les murs du Collège.
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