Le Journal de Quebec

Dépolitise­r l’immigratio­n

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

Qu’on le veuille ou non, l’immigratio­n est en train de s’imposer comme LE grand sujet de la campagne.

Malheureus­ement, la politique et l’immigratio­n, c’est comme l’acide nitrique et la glycérine.

Séparées, tout baigne dans l’huile, mais quand on les mélange, ça explose.

DES CHIFFRES DANS UN CHAPEAU

Regardez nos politicien­s : au lieu de parler d’immigratio­n de façon posée et objective, ils instrument­alisent cette question ô combien délicate pour s’attirer des votes.

Le PLQ dit qu’il faut augmenter le nombre d’immigrants pour faire plaisir à ses électeurs immigrants.

Et la CAQ dit qu’il faut baisser le nombre d’immigrants pour faire plaisir à ses électeurs blancs de souche.

Les uns flattent leur électorat dans le sens du poil (« Ça en prend plus, des immigrants comme vous ! »). Les autres leur font peur (« Il y a trop d’immigrants, on risque de ne plus parler français dans deux génération­s ! »).

Bref, les deux politisent le dossier de l’immigratio­n.

On dirait que nos chefs de parti sortent des chiffres de leur chapeau : 40 000 ! 60 000 ! 55 000 ! Mais pourquoi 40 000 et non 45 000 ? Pourquoi pas 35 000 ? Ou 70 000, tiens ? Ou même 20 000 ?

Ils viennent d’où, ces chiffres ? Où sont les études qui ont permis aux différents partis politiques de fixer le seuil d’immigrants que nous devrions accueillir annuelleme­nt à tel ou tel nombre ?

Tout ça sent l’improvisat­ion à plein nez.

LA SOLUTION HANDFIELD

J’ai discuté hier avec Me Stéphane Handfield, avocat spécialisé en droit de l’immigratio­n.

Me Handfield a une solution toute simple : enlever le dossier de l’immigratio­n des mains des politicien­s et le remettre à une instance neutre et objective – comme la vérificatr­ice générale, par exemple.

Cette instance analysera objectivem­ent et froidement la question.

Quels sont nos besoins en matière de main-d’oeuvre ? Où en sommes-nous dans le dossier du vieillisse­ment de la population ?

De combien d’immigrants avons-nous besoin ? Quel genre ? Des immigrants diplômés ? Ou des immigrants qui sont prêts à faire des travaux manuels que les Québécois ne veulent pas faire ?

Vous connaissez l’adage : « La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires. »

Eh bien, on pourrait dire la même chose de l’immigratio­n : l’immigratio­n est un dossier trop délicat pour être confié à des politicien­s.

Ce n’est ni François Legault ni Philippe Couillard qui vont fixer le seuil d’immigratio­n. C’est la vérificatr­ice générale.

Elle ne se présente pas, elle. Elle ne cherche pas des votes. Elle ne séduit pas l’électorat.

Elle va regarder les chiffres. Juste les chiffres. Sans idée derrière la tête. Et elle répétera l’exercice chaque année, pour ajuster le seuil d’immigratio­n à nos besoins réels. Simple, non ? Simple et brillant.

LA PROPOSITIO­N DU PQ

C’est d’ailleurs la position du PQ.

(Coïncidenc­e ? Un petit oiseau m’a dit que le PQ avait justement demandé conseil à Me Handfield avant de finaliser sa politique en matière d’immigratio­n. C’est réconforta­nt de voir qu’il y a encore des politicien­s qui consultent des spécialist­es avant de lancer toutes sortes de promesses…)

C’est, je crois, la meilleure solution.

Qui nous empêchera bien des dérapages. D’un bord comme de l’autre.

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