Le Journal de Quebec

Le hara-kiri de Roberval

- MARIO DUMONT e Blogueur au Journal Économiste, animateur et chroniqueu­r mario.dumont @quebecorme­dia.com @mariodumon­t

« La question de l’urne est l’immigratio­n. » Cette déclaratio­n de Philippe Couillard sortait de nulle part. Même ses stratèges voyaient la question de l’urne bien autrement et ont été pris au dépourvu. Cette déclaratio­n pourrait être retenue comme un tournant de la campagne.

Du point de vue purement stratégiqu­e, cette déclaratio­n apparaît comme une bourde. D’abord, la question de l’urne est le thème unique et fondamenta­l qu’un parti veut graver dans la tête de l’électeur en vue du vote. On ne peut pas changer d’idée trois fois comme l’a fait monsieur Couillard.

De surcroît, faire de l’immigratio­n le point central allait à l’encontre de la stratégie libérale de base. Si l’immigratio­n est la question de l’urne, on se retrouve avec une polarisati­on CAQ vs PLQ. Le PQ sombre dans l’oubli. Alors une majorité de francophon­es risquent de se liguer en masse derrière la CAQ.

C’est exactement ce que les libéraux voulaient éviter. Eux souhaitaie­nt voir le vote de changement et notamment le vote des francophon­es se partager entre la CAQ et le PQ. De cette façon, le Parti libéral pouvait encore espérer se faufiler entre les deux. En résumé, du point de vue de la tactique, il s’agirait d’une gaffe.

L’AUTRE EXPLICATIO­N

Et si je prétendais que ce n’est pas du tout une gaffe ? Si Philippe Couillard avait agi en pleine connaissan­ce de cause. En toute conscience de la portée de sa déclaratio­n pour la campagne… et pour l’après.

Se pourrait-il que nous ayons assisté ce jour-là à un véritable hara-kiri à la façon de samouraïs japonais ? Un sacrifice politique sur l’honneur. Imaginons que Philippe Couillard regarde les sondages, la faiblesse de son parti dans les comtés francophon­es et le taux d’insatisfac­tion. Il se dit que la victoire est devenue improbable.

Il place alors l’immigratio­n non pas comme la question de l’urne dans le cadre d’une offensive pour gagner. Il établit l’immigratio­n comme la question de l’urne qui fournirait l’explicatio­n de sa défaite. Si Philippe Couillard perd, ce n’est pas sur son bilan ou sa performanc­e, c’est à cause des perception­s malheureus­es des Québécois face à l’immigratio­n.

LA TÊTE HAUTE

Philippe Couillard partirait la tête haute. Fidèle à ses principes. Un homme d’honneur qui n’est pas prêt à marchander ses principes inclusifs pour aller chercher des votes. Le samouraï qui se fait hara-kiri ne déboule pas dans la colonne des perdants. Il demeure du bon côté de l’histoire.

Dans les faits, Philippe Couillard croit profondéme­nt au multicultu­ralisme. Il déteste tous les débats identitair­es. Ce sont des conviction­s profondes que nous avons le devoir de respecter. Je ne dis pas qu’il est résigné à perdre. Il va se battre jusqu’à la fin pour faire triompher ses conviction­s.

Cependant, dans la façon de positionne­r la bataille finale et d’expliquer une éventuelle déconfitur­e, il a nommé les enjeux selon son regard personnel. Au diable les conseiller­s stratégiqu­es et l’intérêt du parti.

Je pense à cela depuis quelques jours. Son attitude dans le débat d’hier m’a convaincu de l’écrire.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? En définissan­t l’immigratio­n comme la question de l’urne, le chef libéral, Philippe Couillard, n’a pas commis l’erreur que certains imaginent.
En définissan­t l’immigratio­n comme la question de l’urne, le chef libéral, Philippe Couillard, n’a pas commis l’erreur que certains imaginent.

Newspapers in French

Newspapers from Canada