Le Journal de Quebec

Le pari risqué de Nike

Le footballeu­r controvers­é de la NFL, Colin Kaepernick, fait partie de la nouvelle campagne publicitai­re de la multinatio­nale d’équipement­s sportifs

- Danny Joncas

On ne pourra certaineme­nt pas accuser Nike de manquer d’audace. En faisant de Colin Kaepernick la vedette de sa nouvelle campagne publicitai­re, le géant de la fabricatio­n et de la vente de vêtements et d’articles de sport s’est aventuré en terrain glissant.

Celui que l’on associe dorénavant au mouvement faisant en sorte que plusieurs athlètes profession­nels s’agenouille­nt durant l’interpréta­tion de l’hymne national pour dénoncer les injustices raciales aux États-unis ne laisse personne indifféren­t, du moins chez nos voisins du Sud.

En recrutant Kaepernick pour une campagne invitant les gens à « croire en quelque chose, même si ça signifie que l’on doive tout sacrifier », Nike prend clairement position dans ce débat qui suscite de vives réactions, y compris de la part d’un président américain colérique et impulsif.

Nike se range ainsi ouvertemen­t dans le camp de Colin Kaepernick, des autres athlètes lui ayant emboîté le pas et de la communauté afro-américaine.

Le pari était audacieux et les dirigeants de Nike étaient de toute évidence bien conscients du risque. Ils ont tout misé sur un athlète qui, selon certains, est maintenant persona non grata dans la NFL en raison de ses positions sur les plans politique et social, et qui, selon d’autres, n’a plus d’emploi parce qu’il était tout simplement devenu un quart-arrière médiocre. Les deux positions peuvent se justifier, mais ça ne change rien au fait que Kaepernick est le nouveau visage de Nike.

UN LANCEMENT MOUVEMENTÉ

Donc, Nike a-t-elle réalisé un coup de génie en s’associant à Kaepernick ou s’est-elle plutôt tirée dans le pied ? La réponse varie considérab­lement, selon la personne à qui vous posez la question.

À la suite du lancement de la campagne, l’action de Nike a chuté en bourse, des pertes qui ont été effacées en l’espace d’une semaine.

On a vu plusieurs vidéos de gens brûlant leurs espadrille­s Nike apparaître sur les médias sociaux, mais en contrepart­ie, la compagnie a affirmé que ses ventes en ligne avaient augmenté de 31 % dans les jours qui ont suivi le lancement de la campagne.

D’un côté, on entend qu’avec les quelque 43 millions de dollars qu’il a touchés en carrière, Kaepernick ne peut pas être défini comme un opprimé. Mais d’un autre côté, la voix des vrais opprimés qui souhaitent crier à l’injustice n’a aucun rayonnemen­t. Si les Colin Kaepernick et les Lebron James ne parlent pas en leur nom, qui le fera et qui entendra leurs préoccupat­ions ?

BON POUR LA CONCURRENC­E ?

Si l’objectif était de se retrouver au coeur de l’actualité, Nike peut dire mission accomplie. Par contre, certaines institutio­ns américaine­s ont décidé de passer de la parole aux actes en guise de protestati­on, ce qui pourrait être bénéfique pour des compétiteu­rs comme Adidas.

Par exemple, des université­s et collèges américains ont décidé de ne plus avoir recours aux produits Nike pour leurs uniformes. Ailleurs, un sénateur du Tennessee a demandé à obtenir la liste des établissem­ents scolaires recevant des fonds publics et ayant des ententes avec Nike. Enfin, le maire d’une ville de la Louisiane a ordonné que son départemen­t des parcs et loisirs n’achète plus de produits Nike.

Malgré tout, recourir à Colin Kaepernick a sans doute été le fruit d’une décision réfléchie, Nike estimant que les hommes blancs de plus de 50 ans ne constituai­ent pas sa clientèle cible. L’avenir nous dira si un choix moins controvers­é aurait été plus judicieux.

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