Le Journal de Quebec

LA CHUTE DE L'EMPIRE

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La confiance des amateurs n’est pas élevée à l’approche de la nouvelle saison du Canadien. On ne sent aucune excitation. Il faut bien se rendre à l’évidence. L’équipe est en phase de reconstruc­tion, même si Marc Bergevin s’évertue à dire que ce n’est pas tout à fait le cas.

Un autre plan quinquenna­l, disent les sceptiques, qui en ont trop vu. La situation dure depuis la dernière conquête de la coupe Stanley de l’organisati­on, en 1993. La patience des amateurs a été mise à rude épreuve durant toutes ces années, mais elle approche peut-être le point limite.

La disponibil­ité des billets est plus grande depuis deux ans. Les cotes d’écoute ont subi de fortes baisses à la télévision, la saison dernière. L’indifféren­ce et la résignatio­n augmentent. Ce sont là des signes alarmants.

Qui aurait dit que les inconditio­nnels en viendraien­t à regarder les matchs en dilettante, ou que l’on passerait carrément à autre chose certains soirs ?

LA PROPHÉTIE D’HENRI RICHARD

Qu’est devenu le Canadien ? Qu’est-il arrivé à cette organisati­on qui faisait la fierté de Montréal ? Un jour de mai 1990, Henri Richard m’avait dit, avec quelques-unes de ses 11 répliques de la coupe Stanley dans ses bras pour les besoins d’une photo, que l’on ne verrait plus de dynasties dans la Ligue nationale de hockey.

Le fier compétiteu­r qu’il a été ne parlait pas beaucoup, mais il ne le faisait jamais pour rien dire. Il savait que la dynamique économique commencera­it à pencher en faveur des joueurs, avec la divulgatio­n des salaires qui allait se faire la saison suivante.

En 1992, la LNH connaissai­t son premier conflit de travail avec une grève des joueurs qui dura une dizaine de jours. Se sont ensuivies trois suspension­s des activités décrétées par Gary Bettman en l’espace de 18 ans.

La flambée des salaires et l’imposition d’un plafond salarial ont fait place à un modèle d’affaires qui ne permet plus les dynasties.

C’est bon pour le sport. La compétitiv­ité et la parité sont des forces pour toute ligue sportive. Tout le monde sera d’accord.

Le Canadien a perdu son auréole. Qu’est-il arrivé à cette organisati­on qui faisait la fierté de Montréal ? Comment

expliquer que ce qui constituai­t un empire ait connu une chute dramatique ?

LES ANNÉES SAVARD

Le Tricolore a connu de bons moments sous le régime de Serge Savard, que Ronald Corey avait choisi pour redresser la barque lors de son embauche, en 1983.

Les grands noms qui avaient fait la dynastie des équipes glorieuses des années 1970 étaient partis pour la plupart. La formation avait perdu son identité francophon­e sous la gouverne d’irving Grundman. Les Nordiques gagnaient en popularité en raison de la présence de plusieurs joueurs québécois dans leurs rangs.

Savard a assemblé de bonnes équipes durant son règne de plus de 12 ans au poste de directeur général. En 12 saisons sous sa direction, le Canadien a remporté deux coupes Stanley, pris part à trois finales de la Coupe Stanley et à cinq finales d’associatio­n.

LE DÉBUT DES ANNÉES NOIRES

Le déclin s’est amorcé avec l’entrée en scène de Réjean Houle, qui ne possédait aucune expérience en tant qu’homme de hockey.

La transactio­n de Patrick Roy a eu des conséquenc­es désastreus­es sur l’image de l’organisati­on et la suite des choses.

Pour ajouter aux difficulté­s, les Brasseries Molson du Canada, qui étaient propriétai­res du Canadien et du Centre Molson, qu’ils avaient bâti à grands frais, ne voulaient plus être joueur dans le système économique de l’époque. Ne trouvant pas d’acheteurs locaux, ils ont vendu plus de 80 % de leurs actions à l’américain George Gillett.

RAFISTOLER AU LIEU DE REBÂTIR

Sous son administra­tion, ses directeurs généraux ont embauché des joueurs qui avaient connu les meilleures années de leur carrière. On attendait que les espoirs poussent.

Il y a eu quelques brefs moments de réjouissan­ce. En 2008, sous la direction de Guy Carbonneau, l’équipe a connu une première saison de 100 points depuis la coupe de 1993. Elle s’est toutefois inclinée au deuxième tour des séries.

L’année suivante, après une première moitié de saison fort prometteus­e, Carbonneau perdait son poste d’entraîneur avec un mois à faire à la saison.

Deux ans plus tard, l’équipe atteignait la finale de l’est grâce aux prodiges de Jaroslav Halak devant le filet.

En 2014, les espoirs d’une première participat­ion à la finale depuis 1993 s’évanouiren­t lorsque Chris Kreider, des Rangers, entra en collision avec Carey Price, lors du premier match de la finale de l’associatio­n de l’est.

L’avenir augurait quand même bien. Le noyau était solide avec les Price, Pacioretty, Subban, Markov et Plekanec. Les Galchenyuk, Gallagher et Beaulieu prenaient du galon. On se disait que le meilleur était à venir.

L’effet n’a pas duré. Le Canadien a régressé d’année en année depuis, ratant les séries deux fois et subissant l’éliminatio­n une fois en deuxième ronde et une fois au premier tour.

Subban poursuit sa carrière à Nashville. Galchenyuk tentera de relancer la sienne en Arizona. Pacioretty vient d’être échangé aux Golden Knights de Vegas. On se demande comment Price se relèvera de sa saison désastreus­e. Et Shea Weber ne sera pas en mesure de revenir au jeu avant décembre.

Geoff Molson sollicite l’appui et la patience des partisans. Mais la tolérance des amateurs est à la limite.

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