Et si les chefs parlaient aux électeurs?
Selon le dernier sondage Léger/lcn, 77 % des francophones souhaitent un nouveau gouvernement. Le vent du changement souffle fort au Québec. Or, une part substantielle de l’électorat cherche encore où placer son « X » de protestation contre l’ère libérale. Comme quoi, aucun des partis en lice ne réussit vraiment à inspirer une véritable vague d’adhésion.
D’où l’importance du dernier débat des chefs diffusé hier soir à TVA. Dans les faits, hormis pour Manon Massé, on y a vu des chefs plus prompts à se colleter qu’à parler vraiment aux Québécois de leurs visions respectives. C’est l’inévitable côté politique-spectacle des débats des chefs.
Pour François Legault, la mission était périlleuse. Après avoir dominé les sondages depuis des mois, il devait stopper le recul de la CAQ et replacer son parti sur la voie d’une possible victoire majoritaire. Confiant et beaucoup mieux préparé, le chef caquiste a réussi à ramener la vraie question de l’urne au centre du débat : mettre fin ou non à 15 ans de pouvoir du PLQ?
PRESSION LOURDE
Pour le chef du Parti Québécois, la pression était tout aussi lourde. Son parti est coincé au 3e rang. Une partie de ses appuis fuit vers Québec solidaire. Convaincre l’électorat qu’un gouvernement du PQ est encore possible était une vaste commande.
Redoutable communicateur, en plein débat sur la santé, il a toutefois préféré confronter Manon Massé sur son statut de co-porte-parole de Québec solidaire. Ce faisant, il a raté une occasion en or de présenter la plateforme de son parti sur la santé, de loin la meilleure des quatre formations. Il s’est néanmoins repris sur les autres thèmes, mais cela suffira-t-il à renverser la vapeur pour le PQ?
Étonnamment, les autres chefs ont trop peu fait le procès de l’austérité des dernières années. Laquelle a pourtant provoqué le lancement d’un recours collectif contre la maltraitance dans les CHSLD — du jamais vu au Québec.
Le chef libéral, fidèle à ses habitudes, a tout nié. Les compressions dans les services publics seraient imaginaires. Sur l’immigration et la laïcité, il a préféré brandir des épouvantails. Sûrement pas la meilleure manière d’augmenter ses appuis bloqués à 17 % seulement chez les francophones.
FAMILLE LIBÉRALE
En réaction, le chef caquiste l’a accusé de « donner des leçons » au lieu de respecter les voeux de la majorité. Sur le thème de la corruption, M. Legault a lancé que le PLQ avait plus aidé la « famille libérale » que les familles québécoises. Deux des moments forts de la soirée.
Manon Massé s’est montrée calme, claire et résiliente. Dans un échange avec M. Lisée sur la souveraineté, il était cependant surréaliste de l’entendre se réclamer de l’urgence de l’indépendance alors que QS s’est refusé à toute alliance avec le PQ.
Pour les électeurs, l’opération sera difficile. La vaste majorité veut changer de gouvernement, mais en situation multipartite, le « vote stratégique » s’annonce complexe. À moins d’un mouvement de bascule marqué vers la CAQ ou le PQ, tous les scénarios sont possibles.