Le Québec Inc. est à vendre
Au moins 10 grandes entreprises ont vu leur siège social s’expatrier dans le reste du Canada ou dans le monde
De RONA à St-hubert, du Cirque du Soleil au C Series, le Québec n’a cessé de perdre de ses fleurons depuis le retour au pouvoir des libéraux en 2014. De grosses pertes pour l’économie du Québec malgré les nombreuses acquisitions par des entreprises d’ici.
Face à ce qu’ils ont qualifié « d’inaction » de Philippe Couillard, les chefs du Parti québécois Jean-françois Lisée et de la Coalition avenir Québec François Legault ont promis une approche plus musclée pour bloquer la prise de contrôle d’entreprises québécoises par des sociétés étrangères et favoriser le maintien de sièges sociaux ici.
En février 2017, le gouvernement a lui aussi présenté sa stratégie visant à maintenir les sièges sociaux au Québec, mais les résultats se font toujours attendre.
Depuis le retour au pouvoir des libéraux en 2014, le nombre de sièges sociaux au Québec a poursuivi sa pente décroissante, passant de 567 à 558 de 2014 à 2016, selon les données de Statistique Canada.
Pendant la même période, le nombre d’employés de ces sièges sociaux a toutefois augmenté légèrement.
VIGILANCE
« Il faut être vigilant, sans être dogmatique », croit Michel Nadeau de l’institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), ex-numéro 2 de la Caisse de dépôt et placement.
Il est d’avis que gouvernements et investisseurs institutionnels doivent jouer un rôle actif sur la vente ou le déménagement de sociétés. Il cite la décision d’ottawa de bloquer la vente de la minière Potash de Saskatchewan, « dans l’intérêt du Canada ».
« On a des joyaux comme Metro, SNC-LAvalin, WSP, qui doivent absolument rester québécois parce qu’ils ont des retombées essentielles. »
TOUT N’EST PAS NOIR
Depuis le 1er avril 2014, moment qui coïncide avec le retour au pouvoir des libéraux, 382 entreprises du reste du Canada et à l’échelle internationale ont été acquises par des compagnies québécoises, révèlent des données compilées par le ministère de l’économie à la demande du Journal.
Pendant la même période, 184 compagnies d’ici ont été achetées par des sociétés de l’extérieur. « Pour chaque entreprise québécoise vendue, 2,1 autres sont achetées dans le reste du Canada et à l’international », souligne le porte-parole du ministère, Jean-pierre D’auteuil.
PDG de RONA pendant 20 ans, Robert Dutton se dit persuadé que le Québec perd au change, dans la mesure où les fleurons vendus au cours des dernières années comptaient parmi les plus importantes entreprises québécoises.
Il s’agissait aussi de sociétés dans lesquelles Québec et des investisseurs institutionnels comme Investissement Québec ou la Caisse de dépôt et placement avaient massivement injecté des fonds.
Selon les données partielles du ministère, la valeur moyenne des transactions était supérieure dans le cas des entreprises vendues (44 millions $) que celles achetées (23 millions $).
« La question, c’est de savoir si les emplois sont rapatriés au Québec à la suite de ces achats. Couche-tard est un exemple extraordinaire de déploiement international pour le Québec. Mais est-ce que l’acquisition d’une station-service en Chine va créer des emplois ici ? J’en doute », ajoute M. Dutton.