Drôle et fascinant
« Vivre, c’est l’inverse d’une job. Tu le vis, et après tu sais commentça marche.» – André Sauvé André Sauvé vise en plein dans le mille avec son troisième spectacle : Ça
Il n’y a qu’un seul humoriste pour rendre aussi drôles des sujets comme les aléas de la vie, le langage et l’identité. André Sauvé n’a pas changé : son cerveau bouillonne autant qu’avant, mais force est de constater que son style est plus abouti que jamais.
De manière très théâtrale et très physique, André Sauvé poursuit son exploration de la mécanique humaine dans Ça, un spectacle dense qui dure 1 h 40, dont la première québécoise a eu lieu hier à la salle Albert-rousseau.
L’humoriste – et philosophe, disons-le – de 53 ans apparaît d’abord sur le dessus d’une butte, comme s’il se tenait debout sur la terre, devant un horizon bleuté.
La prémisse de départ ? « Comment ça se fait que ça c’est là ? » Ça, ce sont « les mouches à bananes » qui apparaissent en plein hiver, un pissenlit qui pousse dans les craques de trottoir, un pommier qui pousse juste grâce à la lumière. « C’est comme si je te disais regarde une ampoule, et fais-moi un muffin », a-t-il comparé, impressionné.
Dans le premier droit, la nature a inspiré un André Sauvé qui allait chercher des éclats de rire à chaque mimique.
DE LA NATURE À L’ÊTRE HUMAIN
Il fallait le voir mimer un saumon qui fraye, un lion qui broute sous le regard d’une gazelle, ou un orignal qui tente de séduire une femelle. Mais il est capable de tout ramener à l’être humain, et c’est dans ce détour qu’il accroche son public. « Un panache, c’est comme si tu te promenais dans le bois en charriant un parasol ouvert », a-t-il illustré.
Sauvé est ensuite rapidement revenu à la complexité de l’humain et les fonctionnalités du corps. Il a abordé la notion d’identité en mimant à quel point on peut découvrir les gens juste en observant comment ils marchent. Un numéro de génie, carrément, qui n’a pas permis au public de souffler beaucoup.
PLUS INTIME
Plus le spectacle avance, plus André Sauvé s’enfonce dans la profondeur de ses questionnements. Après une heure, quand ses angoisses se corsent, André Sauvé nous prévient : là, on entre dans « le noeud » du spectacle, on n’est pas sorti du bois.
Il sait voguer très habilement entre de grands thèmes comme le langage, la liberté d’expression, les aléas de la vie, à des anecdotes très précises sur le quotidien qui concernent les roulettes de papier collant, les poubelles, les choses mal ordonnées à la pharmacie.
Il avait promis un spectacle plus intime, c’est ce qu’il nous réserve en dernière partie. L’humoriste étale ses nombreux emplois : de mascotte de Garfield à vendeur exécrable et peintre en bâtiment, il a tenu un « stand à poêlon T-fal » et un kiosque de jardinage.
ÇA
Mais un jour, il a écouté le « ça » en lui, et « ça a fait du voltage », d’où peut-être sa chevelure hirsute. « Ça me disait, ce n’est pas ça ta vie. »
La suite, qu’on connaît, concluait le spectacle avec une leçon de vie qui nous confronte et qui remue.
Le plus impressionnant, c’est que non seulement André Sauvé ne se perd pas dans ce marathon de questions existentielles, mais il est capable de ne pas perdre le public non plus. On le remercie d’avoir choisi « ça », d’autant plus que ce troisième spectacle est le plus abouti qu’il nous a offert.