UN COUP DE DÉPART À 4000 $
Un golfeur de Québec doit en dédommager un autre après l’avoir atteint avec sa balle
Plus de 4000 $, c’est la somme que doit verser Philippe Lebel à un golfeur pour avoir frappé un coup de départ « erratique » au club de golf l’albatros, à Sainte-foy. Un scénario qui peut se produire sur de nombreux parcours de la province…
Selon la mise en contexte expliquée dans le jugement de la Cour du Québec, M. Lebel est entièrement responsable de la fracture à la main qu’a subie Étienne Tétrault. Celui-ci a été heurté par sa balle sans avoir été averti par le classique cri « fore » annonçant un coup erratique et potentiellement dangereux.
Dix mois après l’incident, il a donc intenté une poursuite de 8000 $ en dommagesintérêts envers M. Lebel et le club de golf.
CRI DE DOULEUR
Le matin du 11 juillet 2016, M. Lebel a raté d’une dizaine de verges l’allée du 14e trou où se trouve, à proximité et parallèlement à l’allée, le tertre de départ du 13e trou. L’endroit est bordé d’une série de conifères cachant la visibilité des golfeurs.
S’étant décrit comme un solide cogneur et un golfeur signant des scores de 88 ou 90 dans son plaidoyer, il s’est aligné à la droite de l’allée, vers le 13e tertre, afin de compenser le crochet dans sa trajectoire. Or, après avoir survolé les conifères, sa balle a heurté directement le doigt de M. Tétrault. Il a alors entendu un cri de douleur et s’est aussitôt précipité vers sa victime.
Même s’il a terminé sa ronde, M. Tétrault a souffert d’une fracture oblique de l’auriculaire droit. Après des consultations médicales, il a dû porter un plâtre pendant trois semaines et mettre fin à sa saison. Il n’a conservé aucune séquelle permanente ou partielle de cet accident.
Dans sa requête, il reproche à M. Lebel de ne pas avoir contrôlé son coup de départ en plus de ne pas avoir adopté un comportement prudent, ce que le défendeur a vivement contesté. Il a clamé que rater une allée d’environ 10 verges ne peut être considéré comme un coup erratique.
RESPONSABILITÉS
À titre indicatif, selon les statistiques des coups de départ compilées par le circuit de la PGA en 2018, seulement 40 des quelque 200 meilleurs joueurs professionnels au monde ont affiché une moyenne de précision supérieure à 65 %. Le meneur mondial, Dustin Johnson, a présenté un taux de précision de 58,2 % depuis les tertres.
Mais la juge Hélène Carrier a tranché en faveur de M. Tétrault en statuant que M. Lebel s’était montré « imprudent et qu’il ne s’était pas comporté selon les règles de conduite. Son geste est une faute civile engendrant sa responsabilité civile. Il est donc responsable de l’accident ayant causé des dommages à M. Tétrault », peut-on lire dans sa décision. Elle a d’ailleurs reconnu que ce n’était pas intentionnel.
Selon les témoignages, la blessure, les douleurs et les inconvénients subis, le tribunal en est alors venu à la conclusion que M. Lebel doit payer la somme de 4000 $ à M. Tétrault. En plus, il doit acquitter des frais additionnels, dont 380 $ pour des travaux d’entretien de haies que le plaignant n’a pu réaliser en raison de sa blessure.
Joint par Le Journal quelques jours après la décision, M. Tétrault a refusé de commenter l’histoire en patinant sur le sujet. Depuis cet accident, il faut souligner qu’il a rejoué sur le parcours de L’albatros au moins 35 fois.
LE CLUB BLANCHI
Alors qu’on reprochait un vice de conception du parcours et une négligence à la sécurité des joueurs en l’absence de filet de sécurité, le propriétaire du club L’albatros, fondé en 1993, Guy Robichaud, a poussé un soupir de soulagement après avoir été blanchi des accusations.
Avant le dépôt de la poursuite, celui qui accueille près de 20 000 clients par année a raconté avoir proposé un arrangement à l’amiable en offrant des gratuités s’élevant à près de 1000 $ en guise de compensation.
Mais M. Tétrault avait plutôt décidé de plaider dans sa requête la dangerosité de la configuration du 13e trou. Cette stratégie n’a pas fonctionné. Comme il avait payé son droit de jeu, il était conscient des risques et ne pouvait tenir le propriétaire responsable d’un accident.
Comme l’architecte du parcours n’avait jamais proposé l’installation d’un filet de sécurité et qu’aucun accident n’était survenu en 23 ans d’existence, M. Robichaud ne prévoit pas en faire l’ajout.
Morale de l’histoire, le simple fait de crier « fore » peut éviter une blessure, les tracas et la dépense de milliers de dollars…