Le Journal de Quebec

Une pièce ancrée dans la réalité

Celle qu’on pointe du doigt est une réussite sur toute la ligne

- YVES LECLERC

L’infanticid­e est un sujet délicat. Pour sa première création, Marie-pier Lagacé aborde avec humanité et nuance les potentiell­es origines de cette problémati­que immensémen­t triste avec la pièce Celle qu’on pointe du doigt.

Pour son premier texte, la jeune auteure et comédienne de Québec n’a pas choisi le sujet le plus facile. Les pièges étaient nombreux, et elle a réussi à tous les éviter.

Sans jamais prendre position, elle dépeint, à travers un personnage de fiction, une problémati­que réelle qui fait trop souvent les manchettes.

À l’affiche jusqu’au 20 octobre à Premier Acte, Celle qu’on pointe du doigt va bien au-delà du geste commis par une jeune femme en manque d’amour et de ressources.

Lorsque la pièce débute, avec un appel au 911, le crime a déjà été commis. Elle, interprété­e par Marie-pier Lagacé, est déjà dans un centre de détention pour femmes.

Celle qu’on pointe du doigt aborde très peu le crime qui a été commis. On ne fait pas de référence directe à l’acte d’infanticid­e. La création s’intéresse, sans porter de jugement, à ce qui a mené Elle à poser ce geste irréparabl­e.

PIÈCE BIEN CONSTRUITE

Racontée comme un film, avec des fondus au noir entre les différents segments et des retours dans le temps, la pièce, mise en scène par Simon Lemoine, est bien construite. Le passé et le présent s’imbriquent parfaiteme­nt.

On plonge dans le passé de celle appelée Elle. On aborde la relation complexe avec sa mère, celle avec son conjoint, ses problèmes d’anxiété et une fragilité et un mal de vivre magnifiés par un problème de santé mentale.

L’histoire se déroule avec, en retrait, la présence du psychologu­e de l’établissem­ent carcéral, interprété par Réjean Vallée, qui observe le passé de la jeune femme et qui essaie de l’amener à s’ouvrir sur le geste qu’elle a posé. Une Elle qui est très renfermée.

La noirceur de la situation exposée est parsemée, ici et là, de moments d’humour, souvent cynique. Celle qu’on pointe du doigt n’est pas toujours dans la tristesse et la douleur.

TOUCHANTE ET TROUBLANTE

Marie-pier Lagacé est touchante, parfois troublante et juste dans la peau de cette jeune femme qui a besoin d’aide et qui ne sait pas où aller la chercher.

Éva Daigle offre une superbe prestation dans le rôle de la mère. Une femme qui n’a pas beaucoup d’éducation, mal engueulée et qui a ses propres problèmes. Une femme qui n’a pas beaucoup donné d’amour à sa fille et qui aurait souhaité avoir un garçon.

Celle qu’on pointe du doigt est une réussite sur toute la ligne. Du théâtre moderne, ancré dans la réalité des choses et bien livré. Avec des statistiqu­es indiquant qu’une personne sur cinq souffrira un jour d’un problème de santé mentale, la pièce est plus qu’à propos.

 ?? PHOTO COURTOISIE CATH LANGLOIS ?? Elle, interprété­e par Marie-pier Lagacé (à droite), est une jeune femme instable qui vit par l’entremise de sa tante et marraine, jouée par Linda Laplante, de trop rares moments de bonheur.
PHOTO COURTOISIE CATH LANGLOIS Elle, interprété­e par Marie-pier Lagacé (à droite), est une jeune femme instable qui vit par l’entremise de sa tante et marraine, jouée par Linda Laplante, de trop rares moments de bonheur.

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