Êtes-vous raciste « systémique »
Sans tambour ni trompette, Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine et du Multiculturalisme, vient d’entreprendre une consultation sur le racisme dans une vingtaine de villes. Ne vous bousculez pas, on y participe sur invitation seulement.
Si la consultation est lancée avec discrétion, c’est qu’on veut éviter qu’elle tourne en foire d’empoigne comme il arrive trop souvent lorsqu’il est question de racisme. Sagement, le ministre évite de parler de racisme « systémique », même si des députés et des exaltés sont convaincus que le racisme systémique ronge notre pays.
Rodriguez a décidé de rayer de son vocabulaire les deux mots explosifs que sont « racisme systémique ». « Le Canada, dit-il, n’est pas une société raciste, quelle que soit la région où on habite. »
Il n’a pas tort, car ce n’est pas si facile de démontrer clairement qu’il existe au Canada un racisme voilé qui tenterait de structurer notre société malgré les lois qui proclament l’égalité des citoyens. Cela n’empêche pas les préjugés, la discrimination, le favoritisme, les oeillères et la haine.
LES LANGUES SALES
À l’élection québécoise, des commentateurs ont voulu faire croire que le débat sur l’immigration prouvait que le Québec est aux prises avec le racisme systémique. Leurs propos n’ont pas tenu le coup devant la réalité. Il a suffi d’un discours ferme du premier ministre François Legault lors de son passage en France pour faire taire les langues sales et les gens mal informés.
Il n’en reste pas moins qu’il existe encore de nombreux comportements racistes et qu’il y a toujours de la discrimination au Québec, comme dans tout le pays.
Les Québécois francophones en connaissent un bout là-dessus, eux qui en ont bavé durant près de deux siècles de domination anglophone. Les Noirs le savent aussi, qui sont deux fois plus nombreux que les Blancs à devoir recourir à l’assurance emploi. Ne parlons pas des Autochtones. Le pourcentage de ceux qui sont incarcérés est la preuve flagrante du profilage policier.
L’EXEMPLE DES FEMMES
Il n’y a pas si longtemps, la discrimination à l’égard des femmes était générale en Occident. Plusieurs décennies ont été nécessaires pour renverser la situation. Au Canada, le retournement s’est effectué en deux ou trois générations grâce en bonne partie à la télévision.
Nos dramatiques, nos talk shows et nos émissions d’affaires publiques ont changé les comportements à l’égard des femmes. Même leur situation dans l’industrie de la télé et du cinéma s’est transformée. Les femmes y sont désormais à parité avec les hommes.
Pareil résultat ne serait pas survenu sans les quotas et les incitatifs imposés par l’office national du Film, la SODEC, le Fonds des médias du Canada, Téléfilm et tous les autres organismes subventionnaires.
INCITATIFS À LA DIVERSITÉ ?
Les consultations qu’entreprend le ministre Rodriguez visent à trouver des solutions au racisme et à la discrimination. Comme responsable de Radio-canada et de la plupart des organismes d’aide fédéraux à la création et à l’audiovisuel, le ministre est fort bien placé pour comprendre qu’une plus grande diversité dans notre cinéma et notre télévision peut constituer une arme décisive dans le combat contre le racisme et la discrimination.
Au risque de me faire haïr, car rien n’est moins populaire, peut-être atteindrait-on rapidement une authentique diversité sur nos écrans en imposant à nos producteurs et diffuseurs des quotas et des incitatifs comme on l’a fait pour les femmes.