Le Journal de Quebec

L’urgence de refuser l’agrément du Québec

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En une veille d’élections générales au Québec et un 30 septembre 2018, les États-unis, le Mexique et le Canada ont annoncé qu’ils avaient achevé des négociatio­ns en vue de la conclusion d’un nouvel Accord États-unisMexiqu­e-canada (AEUMC).

Destiné à remplacer l’accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA) et se présentant dans son préambule comme étant « un accord du XXIE siècle de haut niveau visant à soutenir un commerce mutuelleme­nt bénéfique, conduisant à des marchés plus libres et plus équitables et une croissance économique robuste dans la région » [notre traduction], le projet D’AEUMC n’a pas encore été conclu et n’est pas une réalité juridique. Le texte fait actuelleme­nt l’objet d’un examen juridique pour précision, clarté et cohérence, sous réserve d’authentifi­cation linguistiq­ue.

LA GESTION DE L’OFFRE

Il est donc encore temps pour le Québec d’agir et il y a même urgence de le faire avant la signature de l’accord. Et pourquoi est-il urgent d’agir ? Une raison principale milite pour une action décisive du Québec. Elle tient au fait que le gouverneme­nt du Canada n’a pas, au terme des négociatio­ns, tenu compte de la volonté du Québec de préserver l’intégralit­é et l’intégrité du système de gestion de l’offre.

Si le Canada prétend avoir maintenu ce système pour une autre génération de producteur­s laitiers, il reconnaît avoir accepté, en vertu de l’accord, d’« ouvrir de nouveaux marchés aux États-unis sous la forme de contingent­s tarifaires pour les produits laitiers, la volaille et les produits d’oeufs ». Combinées au fait que les dispositio­ns de l’accord sont assujettie­s à une « révision commune » au sixième anniversai­re de son entrée en vigueur et que les ÉtatsUnis ont pour objectif ultime d’amener le Canada à éliminer son système de gestion de l’offre, ces concession­s constituen­t une dangereuse brèche à ce système. Le gouverneme­nt du Québec doit dès lors faire savoir au gouverneme­nt du Canada qu’il n’accepte pas que de telles concession­s aient été faites sans son consenteme­nt.

LA DOCTRINE GÉRIN-LAJOIE

En applicatio­n de la doctrine Gérin-lajoie, la Loi sur le ministère des Relations internatio­nales [du Québec] (R.L.R.Q., c. M-25.1.1) prévoit en son ar- ticle 22.1 que le ministre [des Relations internatio­nales] « veille aux intérêts du Québec lors de la négociatio­n de tout accord internatio­nal, entre le gouverneme­nt du Canada et un gouverneme­nt étranger [...] portant sur une matière ressortiss­ante à la compétence constituti­onnelle du Québec » et « peut donner son agrément à ce que le Canada signe un tel accord ».

Le ministre peut aussi ne pas donner son agrément. La négociatio­n de L’AEUMC n’étant pas terminée et son texte n’ayant pas été signé, le temps est propice pour refuser son agrément à la signature de L’AEUMC. Il faut dire haut et fort que le peuple québécois n’accepte pas les dispositio­ns qui ont été incluses dans l’accord sans tenir compte de ses intérêts supérieurs. Le nouveau premier ministre doit saisir l’occasion pour démontrer qu’il croit en la doctrine Gérin-lajoie et que, comme ses prédécesse­urs, de tous partis confondus, il est prêt à se tenir debout pour en faire assurer le respect.

Un tel geste devrait d’ailleurs bénéficier de l’appui des autres partis représenté­s à l’assemblée nationale, qui ont fait front commun sur cette question pendant la dernière campagne élec- torale. Ce geste sera, en définitive, un véritable acte d’autodéterm­ination par lequel le Québec rappellera au Canada, aux États-unis, au Mexique et au monde qu’il a le droit de disposer de lui-même et qu’il peut assurer librement son développem­ent économique, social et culturel.

DANIEL TURP est président de l’institut de recherche sur l’autodéterm­ination des peuples et les indépendan­ces nationales, et professeur à la Faculté de droit de l’université de Montréal

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Il est encore temps pour le Québec d’agir, et il y a même urgence de le faire.

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