Le mont Fuji UNEMONTAGNE INSPIRANTE
Quand tu auras dix-huit ans, ai-je dit à mon petit-fils Jude, je t’amène au Japon faire l’ascension du magnifique mont Fuji. Le Japon, quelle drôle d’idée! C’est qu’il y a cinquante-quatre ans, lors d’un séjour de neuf mois au Japon avec mon épouse, j’ai
Le mont Fuji, ce cône majestueux au pic enneigé, est en fait un volcan qui a fait irruption une dizaine de fois au cours des siècles, créant autour de lui un panorama spectaculaire de forêts denses, de vastes lacs creusés par la lave, de grottes de glace.
Perçue comme demeure des dieux, cette montagne sacrée inspire fascination et respect par les peuples qui la vénèrent depuis des siècles. En faire l’ascension est une expérience quasi spirituelle.
Lorsque, vêtus de blanc et portant bâton, nous en avions fait l’ascension en septembre 1964, j’avais éprouvé ce recueillement qui m’avait fait promettre bien des années plus tard de faire vivre l’expérience à mon petit-fils.
ASCENSION
Aujourd’hui, par temps clair, nous nous mettons en route à six heures du soir. Nous marcherons au coeur de la nuit pour arriver au sommet avant le lever du soleil. Notre sac à dos est lourd de vivres, d’eau et de vêtements chauds qui nous protégeront du froid une fois au sommet.
Après deux heures de montée rapide sur un sentier graveleux, nous nous arrêtons à la troisième des huttes qui longent le chemin de l’ascension. Un Torontois en stage nous y accueille chaleureusement avec une soupe (soba). Encore quatre heures de montée, nous informe-t-il avant de se remettre en route.
Alors que la noirceur s’installe, nous endossons progressivement vêtements chauds et lampe frontale. Soudain, la pente raidit et le vrai travail commence. L’altitude et le sentier sculpté de lave contorsionnée ralentissent notre marche.
Montant au rythme lent des pèlerins que nous sommes, il y avait là plus qu’un travail musculaire et une respiration parfois ardue. Ma mémoire me ramène à ce moment unique qui, 54 ans auparavant, avait pris la forme plus tard d’une recherche incessante de la montagne.
Le défilé de points lumineux que tous les marcheurs forment nous imprègne, tel le bâton du pèlerin estampillé au fer rouge à chaque hutte croisant notre chemin.
Jusque là, j’allais devant, mais voilà que Jude, habituellement si lent, déploie ses ailes, accélère le pas, arrête à peine pour se reposer, alors que moi, handicapé par une digestion difficile, je me sens plus lourd, comme si mon corps avait bien intégré l’adage : « Celui qui gravit le Fuji une fois est un sage, celui qui le fait deux fois est un fou ».
Ce n’est pas quatre heures qu’il restait à gravir, mais bien six. Le défilé des grimpeurs, filles et garçons plutôt jeunes, peu
de mon âge, se densifie dans les deux dernières heures dans le passage plus escarpé.
Quatre heures du matin sonnent l’arrivée au sommet.
Le vent souffle, il faut vite s’encapuchonner. C’est encore la nuit.
Pour l’instant, le coup d’oeil autour ne révèle rien de bien séduisant. Il faut attendre quatre heures et demie pile, le moment où le soleil se lève et où le spectacle commence.
La lumière matinale perce de tous les tons à travers les nuages cotonneux et illumine la vallée d’en bas. La vue sur le cratère hors de portée est à couper le souffle.
Que vouloir de plus ? Le petit-fils est fier, et le grand-papa est radieux.