Le Journal de Quebec

Bob Hartley est heureux en Russie

- RÉJEAN TREMBLAY

BALASHIKHA | Il bruinait hier sur Balashikha et ce crachin ajoutait un air soviétique à la ville de 500 000 habitants située à une quarantain­e de kilomètres de Moscou.

Des édifices remontant à l’ère communiste, ternes et rectangula­ires, des gens frissonnan­t dans l’humidité, rien n’indiquait qu’une des meilleures équipes de hockey de la KHL évoluait quelque part derrière ces bâtisses.

À gauche, j’ai finalement trouvé un stationnem­ent devant un aréna correct. Rien de majeur. On ne parle pas du Centre Vidéotron, pas même de la Place Bell. Surtout quand on entre par l’entrée principale et que le seul gardien en costume de soldat interdit tout accès dans l’aréna.

On se retrouve devant un long corridor. On attend et un autre soldat vient nous chercher.

Et là, tout d’un coup, on entre dans le royaume de Bob Hartley !

LE BONHEUR DU COACH

C’est débile. À gauche, un immense vestiaire, là, trois cliniques équipées à la fine pointe de la science, un gymnase avec des poids et des haltères neufs, une salle de presse plus vaste que celle du Centre Bell, des salles de réunion et, derrière une dernière porte, une patinoire et un aréna qu’on dirait flambant neuf. – Ben voyons donc ! – Pas croyable, hein! C’était un aréna de hockey amateur. Il n’y avait pas eu de matchs profession­nels depuis des années. Quand notre patinoire d’omsk a été déclarée dangereuse, ils ont tout reconstrui­t et aménagé nos quartiers en trois semaines. C’est fou, ça se peut pas. Mais quand ils veulent quelque chose, l’argent est là et ça se fait, explique Bob Hartley.

L’argent, c’est celui de Gazprom, la gargantues­que compagnie de gaz et de pétrole, la vache à lait de l’économie russe. Gazprom est propriétai­re de l’avangard et le président de la KHL est Dmitry Chernyshen­ko, président de… Gazprom. C’est évidemment un ami de Vladimir Poutine. Ça dit tout.

Autrement dit, Bob Hartley a signé un contrat de deux ans sans s’inquiéter une seule seconde de la bonne santé des chèques qu’on lui remet.

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Bob Hartley est heureux. Sa première petite fille va bien. Elle a quelques mois et il lui parle tous les jours par Skype. Comme c’est un jaseux de nature, il trouve toujours des mots pour la faire sourire.

Sa femme Micheline adore sa vie dans la capitale russe.

« Depuis qu’on a découvert l’incroyable métro de Moscou, on est à la place Rouge et au Kremlin en 20 minutes. Dans le fond, j’ai découvert le monde grâce au hockey. J’ai dirigé à Zurich, à Riga en Lettonie, j’ai vécu de belles semaines à Omsk et me voilà à Moscou et à Balashikha, que demander de plus à la vie ? » dit-il avec cette ardeur qui éclaire son regard.

« En plus, mes joueurs russes sont faciles à coacher. Ils sont discipliné­s, ils sont respectueu­x de l’autorité par leur éducation et ils sont travaillan­ts. Des fois trop. Au début, je leur ai dit que j’ajouterais du sirop américain à leur hockey. Comme après quelques semaines, passer de deux entraîneme­nts par jour à un seul. Question de récupérer », dit-il.

Après son congédieme­nt par les Flames de Calgary, Hartley s’est installé à sa résidence en Floride. Il était déjà occupé avec les édifices à logements qu’il faisait construire à Grenville, juste en face de Hawkesbury, sa ville natale.

Il taillait sa haie quand le téléphone a sonné trois fois en une heure et demie : « J’ai reçu des offres de la Lettonie pour son équipe nationale et des offres de deux équipes de la KHL. J’ai pas eu de bonnes vibrations avec les porte-parole de la KHL et j’ai fini par me retrouver en Lettonie », raconte Hartley.

C’est une histoire déjà racontée. Fascinante, mais connue.

Sauf que lors du dernier Championna­t du monde, c’est un message d’un de ses anciens joueurs qui a retenu son attention.

« C’était Ilya Kovalchuk, que j’avais dirigé à Atlanta. Il me demandait d’écouter ce qu’avaient à me dire les dirigeants de l’avangard d’omsk. Je lui ai dit qu’ils pouvaient me parler tout de suite après notre dernier match. Que je partirais le lendemain matin, point final. On a perdu contre la Suède et à minuit, je rencontrai­s le président et le directeur général de l’avangard. La vérité, c’est qu’après cinq minutes, je savais que j’accepterai­s leur offre. Ils voulaient que j’aille gagner pour eux. Et moi, je ne voulais pas coacher dans la vie, je voulais gagner. On a jasé jusqu’à 3 heures et demie du matin et on s’est donné une poignée de main. Ce sont des gens que je respecte, des gens d’honneur, des gens qui font tout ce qu’il faut faire pour gagner », de dire Hartley.

TRAITÉ COMME UN GAGNANT

Je l’ai dit, Bob Hartley est heureux. Il ne pouvait demander mieux pour fêter ses 58 ans. Il gagne un salaire de la Ligue nationale, bien au-dessus du million, il a son chauffeur privé, un magnifique condo payé par l’organisati­on et il est le vrai patron de l’avangard. Je le voyais avec son directeur général, communiqua­nt avec quelques mots d’anglais, de russe et des signes, et je saisissais ce qu’il voulait dire plus tôt. Dans la KHL, le vrai patron, c’est le président. Le directeur général est plus un gestionnai­re et les décisions hockey, avec l’avangard du moins, sont prises par le coach. Ça explique beaucoup la présence de David Desharnais et de Maxime Talbot. Les deux vétérans ne sont pas les plus rapides de l’équipe, mais ils amènent une solidité qui complète le leadership de Bob Hartley.

Et puis, l’avangard fonctionne comme une bonne organisati­on de la Ligue nationale. Tous les vols sont nolisés dans des jets modernes, on choisit les meilleurs hôtels et tout le reste est à l’avenant.

Par exemple, le médecin de l’équipe travaille à temps plein pour l’avangard. Il est jeune et beau gosse. Oleg Malitsky, le relationni­ste vient d’omsk, tout comme « Papa Bear » le masseur. Hier, Andreï Quelquecho­se, un chroniqueu­r chevronné de la télé d’omsk, était sur place. Il vole d’omsk à Moscou toutes les deux semaines pour des séjours d’une ou deux semaines. Comme si Renaud Lavoie voyageait toutes les deux semaines pour couvrir les Coyotes de l’arizona.

Et toujours hier, Bob était content d’accueillir la cuisinière et la serveuse des repas des joueurs. Elles font ce travail à Omsk depuis 20 ans et l’équipe les envoie à Balashikha pour les séjours à domicile de l’avangard.

Tous les joueurs se font servir le petit déjeuner avant les exercices et le

repas après les entraîneme­nts et les matchs. Pour avoir testé le buffet hier, le saumon, le poulet, les pâtes et les légumes sont frais à Balashikha.

ET LE NÉGATIF ?

Il doit quand même y avoir des points négatifs ? Bob n’en voit pas pour l’instant. Et David Desharnais et Maxime Talbot n’ont que des bons mots quand ils répondent aux questions. Faut dire qu’on parle d’hommes intelligen­ts capables de s’enrichir de leurs découverte­s… Mais on va y revenir. Ce soir, l’avangard joue contre le Dynamo de Minsk. Il devrait y avoir plusieurs centaines de partisans qui auront fait le vol d’omsk pour le match.

Là-bas, tout près du Kazakhstan, on pleure l’exil de son équipe. Ça va prendre au moins deux ans pour rebâtir l’aréna.

Deux ans, c’est la durée du contrat de Bob Hartley.

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PHOTOS RÉJEAN TREMBLAY Bob Hartley apprécie le dévouement de ses joueurs de l’avangard d’omsk. « Ils sont discipliné­s, ils sont respectueu­x de l’autorité par leur éducation et ils sont travaillan­ts », fait-il valoir.

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