Le Journal de Quebec

Crucifix : évitons la division

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

Je ne suis pas de ceux qui ont un problème avec la présence du crucifix à l’assemblée nationale. Non pas que j’en fasse une religion, sans mauvais jeu de mots. Si on le décrochait, je n’en ferais pas un drame. Mais le fait est qu’il y est, et qu’une majorité de Québécois y est attachée.

Et contrairem­ent à ce que soutiennen­t ses détracteur­s, il représente moins une alliance imaginaire entre l’état et l’église qu’un simple rappel, au coeur de nos institutio­ns, de notre vieux passé canadien-français qu’on a tendance à réduire à une grande noirceur.

Ne laissons pas le crucifix nous éloigner de l’essentiel.

HISTOIRE

En fait, j’y vois un symbole de continuité historique. Il nous rappelle que le présent n’épuise jamais complèteme­nt notre réalité et que le passé nous habite encore d’une manière ou d’une autre.

Il rappelle par ailleurs notre inscriptio­n dans l’histoire de la civilisati­on occidental­e. Ce message est capital pour les communauté­s issues de l’immigratio­n qui doivent savoir dans quel monde elles évolueront.

Il n’y a pas d’incohérenc­e collective entre le maintien du crucifix là où il est et la promulgati­on d’une Charte de la laïcité. Car la laïcité n’a pas pour vocation d’abolir tout ce qui la précède et de javelliser notre univers identitair­e.

En fait, nous mettrions simplement en place une laïcité cohérente avec notre histoire. Une identité collective s’alimente à plusieurs sources. D’ailleurs, la formule « catho-laïque » est moins injurieuse qu’on ne le croit

Comme j’aime dire, avec la Révolution tranquille, nous avons heureuseme­nt relégué le catholicis­me à l’arrière-fond de la vie publique, mais nous n’avons jamais décidé de changer d’arrière-fond.

Toutefois, je le reconnais sans gêne, on peut être favorable au maintien ou au retrait du crucifix de l’assemblée nationale. Les deux positions se défendent. Car l’essentiel est ailleurs. On ne doit pas accepter que cet enjeu serve de diversion politico-média- tique pour diviser contre elle-même l’immense majorité de Québécois favorables à une interdicti­on des signes religieux ostentatoi­res pour les personnes en situation d’autorité.

L’essentiel, c’est la mise en place d’une Charte de la laïcité : autour de cela, le consensus est fort. Nous aurons toujours l’occasion de nous chamailler sur le crucifix ensuite.

Petite observatio­n historique : les Québécois ont une capacité exceptionn­elle à se perdre dans ce qu’honoré Mercier appelait des luttes fratricide­s.

Au moment de la Révolution tranquille, l’immense majorité était favorable à la refondatio­n politique du Québec. Les uns voulaient l’indépendan­ce, les autres la société distincte. Tous rejetaient la subordinat­ion du peuple québécois dans le Canada. Mais ce sont les trudeauist­es qui ont gagné en profitant de nos divisions.

DIVERSION

Cette fois, on assiste à la même chose, à plus petite échelle, autour de la question de la laïcité. Allons-nous vraiment renoncer à cette avancée collective parce que certains tiennent au crucifix et d’autres pas ? Allonsnous permettre aux multicultu­ralistes de l’emporter parce que le camp nationalis­te, favorable à la laïcité, n’est pas capable de surmonter ses divisions ?

Ce qui nous manque, comme peuple, c’est une capacité de résister aux stratégies de diversion qui nous condamnent à l’impuissanc­e.

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