« Tu étais puissant de terreur »
Des victimes du tyran de la Beauce ont livré hier des témoignages déchirants sur les traumatismes subis
SAINT-JOSEPH-DE-BEAUCE | « Si cet homme risque de passer un bon moment derrière les barreaux, moi, j’aurai à vivre avec des chaînes invisibles qui vont continuer d’entraver chaque aspect de ma vie, et ce, pour le reste de mon existence. »
L’un des fils du tyran de la Beauce, qui a été battu quotidiennement durant son enfance, a tenu à témoigner, hier, lors des observations sur la peine, des traumatismes qu’ont engendrés les sévices subis durant des années.
Pendant deux décennies, l’accusé de 64 ans a fait régner un régime de terreur dans sa famille. En plus d’avoir battu ses enfants et sa conjointe à coups de poing, de pied et de ceinture, et d’avoir menacé de mort la fratrie avec son arme à feu, il a agressé sexuellement certaines de ses filles et trois mineures du voisinage.
MAL DE VIVRE
« Si quelqu’un me demande combien de temps il devrait être derrière les barreaux, ma réponse, ce serait pour toujours », a dit le fils, aujourd’hui père de famille. Il a d’abord « survécu » grâce aux drogues et à l’alcool, tout comme d’autres victimes.
Lorsqu’il a choisi de dénoncer son père, « le calvaire de son enfance a refait surface ». « Des tourments psychologiques », « des cauchemars horribles » : il a dû séjourner en psychiatrie. Il a fait une tentative de suicide. Il a des phobies, dont la peur du noir. Il doit prendre « une lourde médication ». Celui qui a vu son père violer sa mère a des problèmes de sexualité, tout comme d’autres victimes qui sont venues en témoigner.
« LE DÉMON »
Une de ses soeurs a raconté à quel point il a endoctriné leur mère et la fratrie. « L’amour est plus fort que tout », leur répétait-il. « Tu as manipulé, tu as fait tellement de mal […] tu étais puissant de terreur [...] tu voulais régner encore et encore. Et à force de vouloir te prendre pour Dieu, pour moi, tu es devenu le démon », a soutenu, émue, la femme de 31 ans.
Une autre fille de l’accusé, victime d’abus sexuels, a raconté avoir fait plusieurs tentatives de suicide. Elle a fini par avoir peur « de tout »: de dormir la lampe allumée et la porte de la chambre ouverte, de manquer d’air sous la douche, d’être abandonnée, notamment.
Sur un ton larmoyant, le tyran a affirmé, hier, que le mal qu’il avait subi enfant l’avait « transfiguré ». « Je ne le sais pas comment je suis fait, peut-être qu’il faut qu’on m’enferme jusqu’à la fin de mes jours, a-t-il dit. Si j’avais la certitude que mes enfants guériraient, je vous demanderais de m’envoyer en prison pour le reste de ma vie. »
Sa conjointe des 23 dernières années, elle-même victime d’inceste enfant, a témoigné qu’il était un homme « bon, doux et gentil » et qu’il n’était « pas le même homme que les enfants décrivent ».
Je sens encore parfois des mains sur moi, des coups dans mon dos, sur mes fesses. Et l’odeur de la chair en décomposition des chiens au sous-sol, l’haleine de mon père avant qu’il se fasse arracher les dents. […] Je serai probablement épouvantée par mon père le reste de ma vie. » – Extrait de la déclaration écrite d’une fille du tyran, hospitalisée pour un stress posttraumatique après l’arrestation de son père Ma vie a été empreinte de souffrance, d’incompréhension, de désespoir et de dégoût. Toutes les prémisses de ma vie ont été forgées par la cruauté et la trahison, et tous les souvenirs, dénaturés par la perversion d’un seul homme : mon père. » – Extrait de la déclaration écrite d’une autre fille du tyran, qui a notamment été victime d’attouchements sexuels Je crois que vous avez bien compris et cerné les horreurs subies, mais surtout à quel genre de monstre cruel et sadique vous avez affaire. » – L’un des fils aînés du tyran, en s’adressant au juge René de la Sablonnière